Le rôle des tribunaux dans l'élaboration saine d'un processus électoral varie selon les traditions légales et l'organisation administrative des élections. De plus leur efficacité est déterminée par les circonstances politiques et institutionnelles qui existent.
Le degré auquel les procédures judiciaires s'appliquent au processus électoral varie particulièrement, selon que les juges ou un tribunal sont intégrés à l'administration électorale ou qu'on leur confie le contrôle spécifique de chaque étape du processus. Le processus électoral mené par un organisme indépendant spécifique jouit généralement d'un nombre important de juges qui sont fiers de leur indépendance et de leurs connaissances légales quand vient le temps de résoudre des conflits.
Infractions électorales
Les mesures que prendront les tribunaux lorsqu'il y a infraction aux procédures électorales revêtent un grand intérêt. Toute une gamme d'infractions peuvent se produire à chaque étape du processus électoral. Les lois électorales prévoient une procédure par laquelle chaque citoyen peut exercer son droit de vote librement, tous les candidats et ceux qui appuient un candidat ou une option lors d'un référendum peuvent solliciter des votes et la compilation des votes doit se faire conformément à des règles de façon à déterminer les élus ou les options gagnantes.
Des circonstances qui perturbent la conduite des élections peuvent survenir à chaque étape du processus, notamment :
- des contraintes illégales à une mise en candidature;
- la falsification du registre électoral;
- l'obstruction ou la facilitation illégale, par des fonctionnaires, de la distribution de publicité électorale;
- l'utilisation de moyens illégaux pour obtenir des votes, comme la contrainte, la subornation et la fraude;
- une propagande malhonnête ou contraire aux règles établies en vue de sauvegarder le respect de l'adversaire;
- l'omission des bulletins de vote de certains partis;
- l'utilisation des médias pour appuyer injustement un candidat plutôt qu'un autre;
- la privatisation des droits d'un candidat au financement public;
- l'empêchement au vote, la subornation, ou la restriction illégale de la présence de représentants de candidats ;
- la falsification des résultats par les préposés.
Malheureusement, les possibilités sont infinies. Chacune de ces fautes crée deux problèmes légaux de nature différente. Il faut déterminer à qui attribuer la faute pour sévir. Mais il faut également, et encore plus rapidement, freiner les gestes interdits pour rétablir les droits qui ont été violés. La campagne qui a connu de l'obstruction doit continuer; les personnes exclues indûment de la liste des électeurs doivent pouvoir voter; tout candidat qui satisfait aux exigences et dont la candidature a été refusée, doit pouvoir se présenter aux élections.
On trouve deux modèles de base pour en traiter :
- les systèmes qui tentent de codifier chaque type de conduite et d'établir un système de pénalités qui tiennent compte de l'importance de l'infraction;
- les systèmes qui confient l'interprétation des dispositions définies en termes généraux à l'organisme judiciaire ou administratif chargé de les administrer (l'interdiction de faire de la propagande par des moyens inadmissibles ou malhonnêtes, entravant ainsi l'exercice libre du vote, etc.)
Principes
D'un autre côté, il ne faut pas oublier que les interventions des tribunaux en matière de contrôle du processus doivent être considérées comme ultima ratio. Une élection au cours de laquelle les tribunaux doivent constamment intervenir pour régler des conflits indique un système qui manque de maturité et dont les règlements n'ont pas été compris par les candidats. C'est également un signe avant-coureur que les candidats défaits auront de la difficulté à accepter les résultats.
Règle générale la situation devrait être tout autre : une entente de base sur l'élaboration du processus qui comprend l'acceptation des règles établies et un mécanisme par lequel les conflits sont résolus rapidement. Les juges et les tribunaux qui ne font pas partie de l'administration électorale devraient idéalement n'avoir qu'à juger les infractions sérieuses qui ne relèvent pas de cette administration.
Une telle supposition donne naissance à un autre principe, soit la subordination : les conflits doivent être réglés par les autorités qui sont le plus près du problème.
Par conséquent, lors d'élections locales, il est souhaitable que l'administration électorale locale ou l'organisme judiciaire local agisse. La nécessité de garantir des solutions équitables requiert que le judiciaire ou des organismes indépendants supérieurs puissent établir des critères homogènes pour différentes solutions. Il est cependant souhaitable qu'ils rendent la décision initiale pourvu qu'une structure minimale le permette, afin que la résolution soit plus rapide et immédiate et afin d'éviter que les problèmes locaux ne prennent une ampleur injustifiée, à cause du type d'organisme qui les règle.
Leur intervention doit être éclairée par les principes de procédures rigoureuses et de la rapidité d'exécution, étant donné la courte durée des périodes électorales et le fait qu'elles soient les seules occasions de voter ou se porter candidat. Les procédures ne devraient exiger que le minimum de formalités, spécifier clairement l'objet du conflit, identifier ceux qui ont le droit d'intervenir, définir la preuve qui doit être produite et établir de courts délais pour la résolution des conflits.
Pouvoirs
Les règles propres à chaque État qui prévoient quels juges doivent régler quels conflits électoraux varient selon les traditions légales et l'organisation territoriale. Le contenu et les conséquences légales de leur intervention varient également et ils sont généralement aux antipodes :
- les pays qui possèdent un système codifié, où les juges doivent appliquer le principe de la classification des infractions ainsi que des règles et procédures rigides;
- les pays où le common law est la règle et où les juges jouissent d'une plus grande liberté;
Dans le premier cas, les juges jouissent d'une plus grande flexibilité pour résoudre les conflits en matière électorale s'ils sont indépendants et ne font pas partie d'organismes judiciaires, mais plutôt de commissions électorales.
La nécessité de rétablir les droits qui ont été lésés est déterminante : on ne peut éviter les effets d'une publicité clandestine ou illégale que si l'ordonnance de cour qui exige qu'elle cesse est exécutée immédiatement. Les torts faits par l'exclusion ou l'absence du nom d'un électeur au registre ne peuvent être corrigés que si la résolution est exécutée dans les jours ou les heures qui suivent. Dans ces circonstances pressantes, la bureaucratie excessive et la lenteur due aux procédures écrites que l'on retrouve dans les systèmes légaux d'origine latine, par exemple, répondent mal à ces besoins.
Les mêmes considérations sont pertinentes pour les appels logés contre les décisions des organismes de première instance, puisqu'il s'agit de garantir les droits politiques. Il doit exister des procédures réglementées et rapides, le poids de la preuve doit être limité à la matière principale du conflit et les décisions doivent être mises en oeuvre de façon péremptoire.