Les circonstances institutionnelles et politiques de chaque pays déterminent largement le choix des procédures de résolution de conflits électoraux.
Un État autoritaire qui entreprend de passer à un régime démocratique doit faciliter l'acceptation des résultats de l'élection en renforçant les procédures de conflits de façon incontestable. C'est ce qui explique la difficulté de laisser le soin de ces procédures aux organismes judiciaires ordinaires qui ont déjà agi sous l'ancien régime.
Le cas est différent dans les États qui sont, au plan institutionnel, peu développés et dans lesquels le processus électoral n'est qu'une étape avant la consolidation de la structure de l'État et la séparation des pouvoirs. Dans ces États, on ne peut utiliser un organisme judiciaire en voie de développement ou inexistant. L'organisme chargé du processus électoral doit donc combler ce vide et devenir l'administration publique chargée de résoudre les conflits.
Il en est tout à fait autrement dans les pays qui sont politiquement et socialement développés, où le système judiciaire est réellement indépendant et où l'administration est efficace. On peut alors confier à l'organisme chargé de l'administration électorale la tâche de résoudre la multitude de conflits qui peuvent surgir à chaque étape du processus électoral, et ce, pour plusieurs raisons : l'efficacité, l'assurance que les résolutions sont uniformes, que les problèmes seront résolus rapidement et que les solutions seront basées sur la connaissance technique de l'organisme.
Toutefois, les organismes chargés de résoudre ces conflits devraient :
- jouir d'un statut légal qui établit leur constitution et qui leur donne des garanties d'indépendance suffisante pour exercer les pouvoirs exécutifs qui leur sont conférés relativement aux partis et aux candidats;
- être reconnus légitimement par les partis et les candidats et par l'ensemble de l'électorat.
Un examen des divers systèmes nationaux démontre qu'on peut choisir d'organiser des mesures graduelles de contrôle et la garantie d'indépendance des organismes chargés de l'appliquer de bien des façons. Les pays suivants sont des exemples de cette diversité.
En Allemagne, toute décision concernant les candidatures, les erreurs qui peuvent être corrigées et le rejet d'erreurs qui ne peuvent pas être corrigées, doit être prise par les directeurs électoraux de chaque unité territoriale qui sont nommés par le gouvernement fédéral ou le gouvernement de chacun des États fédérés. On peut en appeler de leurs décisions devant un organisme électoral chargé des politiques à chaque niveau. Les membres de cet organisme sont nommés directement ou indirectement par les pouvoirs exécutifs respectifs. Ces organismes sont chargés d'imposer des sanctions pour les infractions aux règlements (p. ex. pour la publication de sondages lors des périodes défendues). Le Bundestag est chargé de revoir les contestations de résultats d'élection et on peut en appeler de ses décisions devant le Tribunal constitutionnel fédéral. Le poids du pouvoir exécutif dans la désignation des membres des organismes qui doivent entendre et résoudre les conflits essentiels est évident, la rapidité avec laquelle ils sont résolus est remarquable, les possibilités d'accès aux organismes indépendants sont limitées, sans que la légitimité du système et des résultats de l'élection ne soit mise en question.
La loi de l'Espagne vise à renforcer les garanties d'indépendance des organismes qui sont impliqués dans la résolution de toutes sortes de conflits électoraux. Les organismes électoraux sont donc constitués de juges et de magistrats choisis au hasard pour chaque territoire, et de professionnels en droit nommés par le pouvoir législatif sur recommandation des groupes politiques représentés. De plus, on peut en appeler de la nomination des candidats élus devant le Tribunal constitutionnel.
Un troisième exemple est celui de la réforme électorale au Mexique en 1996. Afin de renforcer les garanties d'indépendance, de transparence et de contrôle, le pouvoir exécutif s'est vu refuser toute participation et représentation au sein de l'Instituto Federal Electoral (IFE), un organisme indépendant chargé de tout le processus électoral. La nomination de ces membres est laissée à la discrétion du pouvoir législatif sous réserve d'un consensus élargi. La structure et la permanence de l'IFE sont par le fait même renforcées considérablement. Il est chargé de la reconnaissance, du financement, de l'accès aux médias et d'autres sujets relatifs aux partis politiques. D'un autre côté, la Cour électorale est incorporée au système judiciaire qui peut recevoir les appels sur les décisions et résolutions des autorités électorales qui peuvent influencer les résultats finaux du processus électoral.
Au Mozambique, en 1993, des élections libres et équitables ont constitué la base sur laquelle les conditions institutionnelles et techniques manquantes pouvaient être créées malgré l'absence de capacités logistiques, la méfiance qui régnait et la faiblesse de l'administration. En de tels cas, tout le processus électoral devient un effort continu en vue de développer le système et l'infrastructure électorale, administré par un organisme exécutif indépendant qui dispose d'une aide internationale considérable et qui agit sur la base d'un consensus pour surmonter les problèmes matériels, techniques et politiques qui surgissent à chacune des étapes. Il s'agit de l'organisme qui, conformément aux critères constructifs et convenus, aura à résoudre les conflits qui surgissent dans un processus qui vise non seulement à faire accepter les résultats de l'élection, mais aussi à assurer la continuité du nouveau système électoral.