Outre les partis et les candidats, d’autres intervenants participent régulièrement, et de plus en plus, aux campagnes électorales. Ces tierces parties sont des groupes de pression ou d’intérêt particulier, et elles constituent des éléments importants et légitimes du processus démocratique Elles représentent en effet les valeurs ou préoccupations de certains segments du public.
De nombreuses démocraties ont toutefois eu des difficultés pour créer des règles pouvant s’appliquer aux campagnes de tierces parties. C’est notamment le cas lorsque des groupes de pression et d’intérêt particulier se trouvent à la limite entre soutien au parti et lobbying non partisan. Par exemple, une enquête réalisée par le Centre for Law and Democracy a montré que :
[En Amérique], la publicité par des tiers…est presque entièrement dépourvue de réglementation. Cette approche des États-Unis a engendré un climat politique considérablement influencé par l’argent, et dans lequel des organisations tierces – qui ne sont soumises ni à des plafonds de dépenses électorales, ni aux principes fondamentaux de la civilité démocratique en raison de leur indépendance par rapport aux candidats – jouent un rôle de plus en plus important et déplorable dans les débats.
Les niveaux auxquels s’abaissent ces organisations tierces ont été illustrés de façon frappante par les attaques de « Swift Boat Vets for Truth », un groupe d’action politique, à l’encontre du candidat aux élections présidentielles de 2004, John Kerry. Ce groupe a fait circuler une multitude d’allégations sans fondement concernant John Kerry, ancien combattant décoré de la guerre du Vietnam, l’accusant notamment d’avoir menti au sujet de son service militaire et de ses faits d’arme. Son passif militaire était considéré comme l’un de ses atouts politiques, un problème pour son adversaire, le président George W. Bush, qui de son côté n’avait pas effectué son service militaire. Si George Bush avait directement tenté de dénigrer les états de service de John Kerry, il aurait été accusé de basses manœuvres politiques et d’hypocrisie, étant donné ses antécédents. Mais les attaques émanant d’une tierce partie indépendante, George Bush a été en mesure de nier toute responsabilité de sa campagne et de réprouver les attaques dans les médias en les qualifiant de « déplorables » alors même qu’elles continuaient à être diffusées. Ainsi, la publicité des tiers est une porte ouverte à une politique immorale, permettant aux candidats de se laver les mains des attaques particulièrement déplorables en prétendant qu’elles sont l’œuvre d’intervenants extérieurs sur lesquels les candidats n’ont aucun contrôle direct.
Même si les États-Unis sont l’exemple le plus marquant d’un pays doté d’un régime réglementaire laxiste, notamment lorsqu’il s’agit de publicité de tierces parties, d’autres nations ont adopté une approche similaire, y compris le Venezuela, où la publicité payante a eu des répercussions tout aussi problématiques. En Lettonie, où les lois relatives à la publicité électorale ne s’appliquent pas non plus aux tierces parties, le rôle qu’ont joué les annonceurs tiers dans la campagne électorale de 2006 a fait l’objet de critiques[i].
Les pays qui disposent de régimes réglementaires plus stricts concernant les dépenses de campagne étendent généralement les règles en la matière aux messages publicitaires de tierces parties ayant « un caractère politiquement partial » pour éviter que ces organisations partisanes dominent dans les médias. Plusieurs pays, y compris le Royaume-Uni et le Canada, appliquent de telles règles. D’autres pays comme la France, l’Irlande et la Belgique interdisent toute publicité politique payante à la radio et à la télévision mais offrent un accès direct gratuit aux partis politiques et candidats, empêchant ainsi purement et simplement des tierces parties partisanes d’acheter du temps d’antenne[ii].
[i] Michael Karanicolas, Regulation of paid advertising: A survey, (Centre for Law and Democracy, mars 2012), http://www.law-democracy.org/wp-content/uploads/2012/03/Elections-and-Broadcasting-Final.pdf
[ii] Ibid.