Certains se demandent si l’organisme de réglementation devrait tenter par un moyen ou un autre de contrôler le format ou le contenu des émissions d’accès direct, qu’il s’agisse d’émissions électorales gratuites pour les partis ou de publicité politique payée. Il existe un fort courant de pensée à l’encontre de ce genre de réglementation, étant donné l’hostilité du droit international vis-à-vis de la censure préalable de tout genre. Les arguments en faveur d’un certain type de réglementation se regroupent sous deux catégories, à savoir :
- Réglementation du format – habituellement afin de s’assurer que des messages politiques sérieux sont transmis.
- Réglementation du contenu – afin de prévenir la diffusion de tout contenu inapproprié ou illégal.
Ce dernier argument est nettement en rapport avec la question des politiques relativement aux « propos haineux ». Il se rapporte également à la question du degré de responsabilité légale des médias concernant le contenu des messages politiques qui sont diffusés. Ce sont souvent les médias eux-mêmes qui réclament avec le plus d’insistance des restrictions sur le contenu des émissions politiques, craignant la possibilité de poursuites judiciaires. Ils favorisent un système, comme celui utilisé en Israël, selon lequel le contenu des émissions des partis doit d’abord être approuvé par la Commission électorale avant d’être diffusé.
En 1994, la Commission des médias indépendants de l’Afrique du Sud a traité de cette question d’une manière un peu différente. La loi alors adoptée stipulait qu’une émission électorale d’un parti ne devait pas contenir d’éléments qui pourraient exposer le diffuseur à des poursuites. En d’autres mots, il incombait aux partis de s’assurer que le contenu était conforme à la loi, même si les diffuseurs pouvaient être tenus responsables de la diffusion de contenu illégal[1].
La législation de la Barbade (typique de celle de plusieurs autres pays) interdit clairement un certain nombre d’éléments de contenu, notamment :
- toute matière qui contrevient aux lois de la Barbade;
- tout commentaire abusif relativement à une race, une croyance ou une religion;
- toute matière obscène, indécente ou profane;
- toute matière malicieuse, scandaleuse ou diffamatoire.
La troisième de ces interdictions peut se révéler particulièrement délicate. Les efforts pour réglementer « au nom de la convenance » sont notoirement difficiles et, évidemment, doivent tenir compte des spécificités de chaque culture. Peu de pays, par exemple, adoptent l’approche de la Finlande relativement à la diffusion en direct qui interdit les messages de campagne négatifs et qui pourtant permet aux représentants des partis d’apparaître nus à l’écran, selon les traditions du sauna finlandais[2].
La distinction entre réglementer la forme et réglementer le contenu est manifestement artificielle. Certains pays proposent une durée minimum pour les émissions politiques afin d’assurer qu’on diffuse une argumentation sérieuse plutôt qu’un simple message publicitaire. D’autres prescrivent une limite maximale : la Barbade, par exemple, limite la publicité à un maximum de 60 secondes.
Le système de publicité politique du Venezuela n’est presque pas réglementé. Et pourtant, le Conseil électoral suprême possède le pouvoir d’ordonner le retrait d’une annonce qui n’est pas de « bon goût » ou qui représente faussement la position d’un adversaire. Le Conseil a aussi interdit l’utilisation de propagande subliminale ou d’autres moyens de « persuasion psychologique cachée » dans les annonces politiques télévisées. (Cela a mené à une interdiction générale de toute publicité subliminale au Venezuela[3].)
La France, qui possède des règlements nombreux en ce domaine et plus élaborés que ceux de la plupart des démocraties avancées, a aussi imposé des restrictions qui visent à influencer la qualité des messages. À l’élection présidentielle de 1988, par exemple, les candidats ne pouvaient tourner qu’une seule émission en dehors des studios de la télévision et toutes les émissions, y compris celle tournée en studio, ne pouvaient contenir que 40 % de séquences provenant de films d’archives. L’objectif de ces restrictions était d’assurer que les candidats présentent surtout leurs politiques devant la caméra. Les règlements prévoyaient également que les émissions des candidats ne pouvaient utiliser des séquences d’archives sans le consentement de ceux qui y figuraient – une façon ferme de freiner les attaques personnelles envers les adversaires[4].
Certains pays, suivant l’exemple de la Finlande, interdisent explicitement les attaques personnelles. (La Finlande interdit aussi les annonces publicitaires de produits dans les émissions politiques[5].) Au Costa Rica, le Tribunal électoral suprême peut ordonner qu’une annonce politique négative soit retirée si elle comprend une attaque personnelle ou non vérifiable. En 1990, une annonce suggérait que le grade en droit d’un candidat sortant avait été acquis illégalement. Le Tribunal a fait retirer l’annonce après sa première diffusion.
La France applique également des restrictions visant le contenu des messages et destinées à réduire l’avantage du candidat sortant. Par exemple, les candidats à l’élection présidentielle de 1988 ne pouvaient pas utiliser le drapeau ou l’hymne national ou montrer les endroits où ils accomplissaient leurs fonctions – en d’autres mots, le président de la République devait diffuser à partir d’un studio, tout comme ses adversaires, et non à partir du Palais de l’Élysée[6].
Sans doute aucun pays n’est aussi tourmenté par ces questions que l’Allemagne, qui a connu un lourd passé de « discours haineux », de politiques extrémistes et de restrictions constitutionnelles sévères sur certains types d’action politique. Pourtant, dans ce pays, il est admis que les annonces politiques puissent contenir certains types de fausses déclarations. La Cour constitutionnelle fédérale a déclaré que ces raisons ne peuvent être invoquées pour refuser une annonce politique[7].
Des radiodiffuseurs ont eux-mêmes tenté de refuser des messages de certains partis, plus particulièrement des néo-nazis. La Cour constitutionnelle fédérale appuyait une telle approche en déclarant : « Une station de diffusion n’a pas le pouvoir de refuser la diffusion d’une émission électorale en faisant valoir que son contenu ne semble pas respecter la constitution, puisque la compétence de décider de la constitutionnalité d’un parti et de ses annonces relève de la Cour constitutionnelle fédérale. La station a toutefois le droit de s’attendre à ce que le parti utilise son temps d’antenne pour faire une campagne légale seulement et, en particulier, qu’aucune contravention pertinente ou infraction au code criminel n’aura lieu. La station est donc autorisée à contrôler le contenu du créneau horaire et – lorsqu’une telle infraction se présente – d’en refuser la transmission[8]. »
[1] Article 29, Independent Media Commission Act, 1994.
[2] Tom Moring, « The North European Exception: Political Advertising on TV in Finland », dans Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha (dir.), Political Advertising in Western Democracies, Sage Publications, Londres/Thousands Oaks, 1995.
[3] Howard R. Penniman et Austin Ranney, « The Regulation of Televised Political Advertising in Six Selected Democracies », Committee for the Study of the American Electorate, sans date.
[4] Anne Johnston et Jacques Gerstle, « The Role of Television Broadcasts in Promoting French Television Candidates », dans Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha (dir.), Political Advertising in Western Democracies, Sage Publications, Londres/Thousands Oaks, 1995.
[5] Tom Moring, « The North European Exception: Political Advertising on TV in Finland », dans Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha (dir.), Political Advertising in Western Democracies, Sage Publications, Londres/Thousands Oaks, 1995.
[6] Anne Johnston et Jacques Gerstle, « The Role of Television Broadcasts in Promoting French Television Candidates », dans Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha (dir.), Political Advertising in Western Democracies, Sage Publications, Londres/Thousands Oaks, 1995.
[7] Helmut Druck « Germany: Equality within the Constitution », dans Yasha Lange and Andrew Palmer (dir.), Media and Elections: a Handbook, European Institute for the Media, Dusseldorf, 1995.
[8] Cité dans ibid.