Les principes d'un registre de l'état civil
Un registre de l'état civil n'a pas comme unique fonction l'établissement de la liste des électeurs et il faut en tenir compte au stade de la planification. Par exemple, les données qui proviennent d'une liste utilisée aux fins d'impôt sur le revenu servent à déterminer les services sociaux comme l'assurance-maladie, à identifier les citoyens qui sont tenus au service militaire obligatoire ou encore à créer un registre des données sur les naissances, les mariage et les décès. Le registre de l'état civil se distingue par ses multiples fonctions. Plusieurs principes caractérisent le registre de l'état civil :
- Il n'est pas rare que plus d'un ministère ou agence participent à la création du registre, à la cueillette de l'information, au maintien et à l'utilisation des données.
- Il n'existe normalement aucune date limite pour finaliser un registre de l'état civil, comme c'est le cas pour une liste périodique et parfois pour une liste continue. Le registre de l'état civil doit être actif en tout temps puisqu'il est utilisé par plusieurs agences.
- Les adminisrateurs du registre de l'état civil chargés de fournir la liste des électeurs aux gestionnaires électoraux peuvent influer de façon importante, voire même décisive, sur la perception d'exhaustivité de cette liste. Par exemple, le contrôle du registre de l'état civil en République dominicaine dans les années 1980 appartenait à des gestionnaires nommés par le gouvernement et par le fait même favorables à ce gouvernement. Par conséquent, la qualité des données disponibles pour établir la liste des électeurs s'en est vue sérieusement diminuée.86
- Le numéro d'identité du citoyen est presque toujours relié au registre de l'état civil. Lorsque chaque citoyen possède un numéro d'identité, il est beaucoup plus facile d'intégrer des bases de données qui manquent autrement d'harmonie. Les registres de l'état civil comprennent souvent un numéro d'identité qui a été octroyé à la naissance.
Utilisation du registre aux fins électorales
L'administration électorale doit faire face à un défi majeur dans l'utilisation du registre aux fins électorales : celui de déterminer les méthodes appropriées pour faire coïncider la base de données et les besoins de l'administration électorale. Elle doit d'abord déterminer les fonctions uniques de l'administration électorale dans la gestion de l'inscription des électeurs. Ces fonctions comportent notamment les suivantes :
- l'obtention d'une liste de citoyens du registre de l'état civil;
- l'application des critères d'admissibilité (âge, citoyenneté, condamnation au criminel) pour établir la liste préliminaire des électeurs;
- la communication aux électeurs de leur statut sur la liste préliminaire, soit en publiant la liste ou en leur envoyant un avis d'inscription;
- l'établissement d'une période de temps pour recevoir les réclamations et oppositions visant à corriger ou mettre à jour la liste préliminaire des électeurs. Il faut noter que contrairement à la liste périodique et la liste continue, il se peut que cette période de temps fournisse une première occasion pour les citoyens et l'administration électorale de communiquer entre eux relativement à l'établissement de la liste des électeurs;
- la finalisation de la liste des électeurs et la certification de à son exactitude.
Certification plutôt que cueillette de données
La discussion précédente laisse entendre que le rôle principal de l'administration électorale dans un système qui utilise le registre de l'état civil comprend la publication, la correction et la certification des données recueillies par d'autres sources, et non de cueillir des données de façon autonome. La gestion de la liste des électeurs diffère d'un contexte à un autre.
En Suède, par exemple, le National Tax Board (le conseil national de l'impôt sur le revenu) et ses gestionnaires sont chargés de l'inscription de la population et de la liste des électeurs. Il existe au sein de ce conseil deux unités distinctes : une spécifiquement chargée de l'inscription de la population et l'autre des données électorales. Les bureaux du conseil ont des spécialistes de l'inscription de la population. La liste des électeurs est établie à partir des données du registre de la population et d'autres registres.87
Au Danemark le ministère de l'Intérieur est chargé de maintenir le registre de l'état civil, et le gouvernement maintient au sein de ce ministère une unité distincte gérées par des conseillers en matière électorale.88 Au Panama le registre de l'état civil est une agence de la Cour électorale. La distinction entre le registre de l'état civil et le registre électoral s'en trouveestompée.89
Collaboration entre les agences : la clé du succès
À cause du réseau d'interdépendances qui doit exister lorsque le registre de l'état civil est utilisé aux fins électorales, il faut trouver des mécanismes pour s'assurer que les agences chargées de la cueillette des données utilisées aux fins d'élections satisfont aux besoins de l'autorité électorale. Il est donc souhaitable d'assigner les fonctions électorales et non électorales à une seule agence ou département.
En Suède une seule unité est chargée de la cueillette des données pour créer le registre de la population. Plusieurs ministères et institutions utilisent le registre de la population et ce processus est rendu plus facile par les autorités de l'impôt sur le revenu. De même, en Finlande, le registre de la population peut être confié à une autorité spéciale qui se consacre entièrement à cette fin. En Suède, seule l'autorité centrale pour les élections est en relation avec les autorités du National Tax Board. Les autorités électorales régionales ne s'occupent que de certaines parties de la liste.
Certains contextes, plus particulièrement là où il y une tradition de pratiques démocratiques favorisant le partage des données d'un registre de l'état civil. Il ne serait cependant pas souhaitable de l'instaurer dans les contextes où les risques de fraude électorale sont une préoccupation majeure. Dans un tel cas, il vaudrait mieux que l'autorité électorale vérifie les données, tout comme le fait le bureau du vérificateur électoral au Costa Rica.90 La collaboration qui existe entre les agences varie selon l'historique et la structure institutionnelle du pays. L'importance de la collaboration en matière de partage des données demeure toujours la même quel que soit le contexte.
Moderniser le registre de l'état civil
En 1995, le International Foundation for Election Systems (IFES) a examiné le système de registre de l'état civil de la Guyane et l'a trouvé sérieusement périmé. Les procédures utilisées par le centre national d'inscription étaient entièrement fondées sur des méthodes cléricales et manuelles et des mécanismes de sécurité inadéquates. Les rapports faisaient état de la forte probabilité que les listes produites ne soient pas fiables.91
Le groupe chargé de cet examen a recommandé l'adoption du Modèle de la Barbade qui est lui-même une adaptation du système électoral de la Suède. Ce modèle prévoit que l'inscription des électeurs est une fonction des responsables de l'inscription des cartes d'identité. Le groupe percevait ce système comme étant le meilleur parce qu'il permet la production de listes des électeurs exactes et en temps opportun, et parce que la carte d'identité servait à plusieurs fins, diminuant ansi les coûts associés à l'inscription des électeurs.92
Erreurs dans la liste initiale pour le registre de l'état
En 1992, les autorités électorales des Seychelles ont dû établir une liste des électeurs pour chaque secteur électoral. Le court délai et les ressources financières limitées ont forcé les autorités électorales à utiliser la base de données nationales de l'identité pour établir leur liste des électeurs. Lorsque les listes ont été rendues publiques, la population s'est vivement inquiétée du grand nombre d'inexactitudes, y compris des cas où des personnes décédées, des personnes qui n'avaient pas atteint l'âge requis pour voter, et des non-citoyens étaient inclus sur la liste préliminaire et que des électeurs admissibles en étaient exclus. On a finalement estimé que 80 % des électeurs admissibles figuraient bien sur les listes, soit au district ou au bureau du registraire. Les Seychelles ont une petite superficie et la population électorale n'est que d'environ 50 000; la vérification des listes était donc moins ardue qu'elle aurait pu l'être ailleurs.93