Déterminer les sources de données
La première étape en vue de créer un registre de l'état civil consiste à évaluer l'état actuel des données qui seront intégrées au registre. Dans certains cas, ces données sont fort acceptables et l'on peut se concentrer sur le transfert des données appropriées aux autorités électorales.
L'exemple de la Suède
La création du registre de la population de la Suède illustre bien comment la phase de transition peut se faire progressivement et en douceur. L'inscription de la population en Suède remonte au seizième siècle et à ses débuts, l'église en était responsable. La première mention du maintien d'un registre paroissial remonte à 1571 et le plus vieux registre de la Suède date du début du dix-septième siècle. Les premières directives nationales qui touchent l'inscription paroissiale sont apparues en 1686 alors que les prêtres devaient maintenir des dossiers sur toute la population à la suite d'entrevues lors de séances de catéchisme.
Le numéro personnel d'identité a été introduit par la réforme de l'inscription de la population en 1946. Le processus d'inscription est alors devenu un moyen pour faciliter la collecte des impôts, la vérification des retours d'impôts, le maintien de statistiques sociales et la réglementation du marché du travail. Le traitement des données électorales a débuté en 1960 et à partir de ce moment-là, les autorités fiscales ont été chargées de distribuer les renseignements à d'autres autorités. En 1991, la responsabilité du maintien du registre de la population a été transférée des bureaux paroissiaux de l'Église de Suède à l'administration de l'impôt sur le revenu. Le contenu de neuf millions de dossiers personnels (chacun contenant en moyenne 350 caractères) était alors stocké dans 131 bases de données locales, une pour chacune des autorités locales de la fiscalité.
L'autorité locale
Dans bien des cas, le maintien du registre de l'état civil relève d'un gouvernement local. L'inscription initiale se fait à partir des naissances. Lorsque ces données de base ne sont pas disponibles, il faut amorcer une campagne d'inscription pour les obtenir. Les procédures d'une telle campagne sont semblables à celles utilisées pour la compilation initiale d'une liste des électeurs continue (voir Registre continu : planification de la logistique pour l'inscription initiale ou Liste périodique : infrastructure administrative).
Les données recueillies lors de l'inscription initiale à un registre de l'état civil ou une liste continue forment la base de la liste, qui est ensuite vérifiée et mise à jour sur une base continue; ce n'est pas le cas pour la liste périodique. Le registre de l'état civil diffère principalement de la liste continue du fait que la liste continue ne contient que des données électorales et ne sert qu'à des fins électorales. Le registre de l'état civil peut être utilisé à plusieurs fins, comme le maintien des données de base sur la population, le suivi des services gouvernementaux et de leurs effets, l'imposition, le service militaire obligatoire, etc. Ces données de base peuvent également servir à des fins électorales.
Le registre de l'état civil, comme élément de base de la vie des citoyens
Un registre de l'état civil fournit, en tout temps, une liste des électeurs valide qui peut être utilisée pour une élection. La norme veut que l'inscription au registre de l'état civil soit obligatoire alors que l'inscription sur une liste électorale continue peut être volontaire à moins que le vote lui-même ne soit obligatoire, comme en Australie. Le registre de l'état civil étant utilisé à plusieurs fins, toute personne qui n'est pas inscrite se voit privée non seulement de son droit de vote mais également de bien d'autres avantages de la vie sociale. De fait, le Dr Felipe Gonzalez Roura, de la Cour électorale nationale de l'Argentine, a défini l'exclusion du registre de l'état civil comme une forme de décès civique :
- ...toute personne qui ne se conforme pas à l'obligation de s'inscire ne possède aucun document d'identité à jour, ne peut pas voter et est exclue du service militaire obligatoire; à toute fin pratique, cela équivaut à un décès civique. Cette personne ne peut pas travailler légalement, voter ou effectuer des transactions. Elle ne peut pas quitter le pays, s'inscrire dans une institution d'éducation ou recevoir des bénéfices sociaux.95
La portée du registre de l'état civil et le rôle central qu'il joue dans la vie des citoyens sont d'une importance que ne peut égaler la liste électorale continue. En Suède, chaque résident doit s'inscrire au registre de l'état civil. La liste électorale est établie à partir de ce registre. Toutes les personnes qui ont le droit de vote sont incluses dans la liste électorale. Une personne ne peut être exclue même si elle le veut.
La capacité de l'État
La planification d'un registre de l'état civil doit tenir compte des objectifs globaux de la population. Le registre faisant partie intégrante et obligatoire de la vie des citoyens, il faut reconnaître que l'État joue un rôle prédominant dans l'établissement et le maintien du registre de l'état civil. Ceci présuppose que l'infrastructure opérationnelle de l'État est suffisante pour cueillir et maintenir les données du registre de l'état civil. Il ne faut pas nécessairement de l'équipement informatique sophistiqué; le gouvernement de l'Argentine a réussi à maintenir son registre de l'état civil sur plus de 30 millions de personnes en n'utilisant qu'un système de cartes. La gestion du volume de données typiquement incluses dans un registre de l'état civil est tout de même grandement facilité par l'informatisation des données.
La responsabilité du citoyen
Bien que l'État soit responsable en grande partie du maintien du registre de l'état civil, les citoyens doivent être pro-actifs. L'inclusion au registre de l'état civil étant presque toujours obligatoire, le citoyen aura souvent à communiquer lui-même avec l'État. En Argentine, les parents doivent inscrire leurs enfants au Registre national de la population au plus tard 30 jours après leur naissance et toute personne qui atteint l'âge de 16 ans doit apporter les changements pertinents à son identification personnelle sous peine d'amende.96 De plus, tout comme au Danemark, il n'est pas rare d'exiger que les citoyens avisent les autorités de tout changement d'adresse dans un délai relativement court, comme par exemple 30 jours.97 Sur ce point, les différences entre un registre de l'état civil et les autres types d'inscription des électeurs sont évidentes. Pour la liste périodique, les électeurs doivent s'inscrire à nouveau à chaque élection. Dans bien des pays, l'inscription des électeurs sur une liste continue n'est valable que pour une certaine période de temps, après quoi les électeurs doivent renouveler leur carte d'identité de l'électeur ou s'inscire à nouveau. Tel n'est pas le cas avec un registre de l'état civil puisque l'inscription d'une électeur n'a pas de date d'échéance, sauf motifs particuliers.
Numéro d'identité : instrument juridique
Si l'on conçoit le registre de l'état civil comme une liste unique utilisée à des fins multiples, ou comme des bases de données multiples partagées aux fns multiples, une seule agence doit agir en qualité de commun dénominateur et être chargée des iniatives de partage entre les agences et ministères du gouvernement. Ce partage est d'autant plus facile s'il existe un commun dénominateur qui établit le lien entre les bases de données et les unités administratives, comme un numéro d'identité. Pratiquement tous les sytèmes qui utilisent un registre de l'état civil se fient à un numéro d'identité unique que le citoyen reçoit soit à la naissance ou au moment de son inscription lorsqu'il atteint l'âge adulte (habituellement entre l'âge de 16 ans et de 21 ans) et qu'il conserve tout au long de sa vie. Ce numéro sert de lien entre les diverses bases de données qui alimentent le registre. L'utilisation d'un numéro d'identité personnel élimine la nécessité de porter une carte d'identité, puisque les fichiers qui portent ce numéro unique peuvent être entreposés dans un endroit central à la suite d'une intégration des données par le biais du numéro d'identité. Cet aspect des registres de l'état civil élimine la nécessité de faire parvenir des cartes d'inscription dans la période qui précède une élection, contribuant par le fait même à des économies considérables.
L'autorité électorale
On peut choisir parmi un éventail de types d'autorité électorale dans le cadre d'un registre de l'état civil donné. Lorsque la pratique démocratique est bien ancrée, comme en Suède, il convient d'établir cette autorité au sein du ministère du gouvernement (ex. les autorités fiscales). L'autorité électorale doit cependant être une unité administrative distincte au sein du ministère. Dans des circonstances contraires, il est inacceptable de placer la responsabilité en matière électorale sous l'autorité de la branche exécutive du gouvernement. Il faut donc se questionner sérieusement sur la situation propice pour l'autorité électorale afin qu'elle soit autonome dans sa vérification de la validité des données utilisées pour l'inscription des électeurs. La réponse diffère d'une situation à une autre.