Les partis et les candidats utilisent souvent différentes techniques de campagne et les journalistes devraient être familiarisés avec celles-ci et porter un regard critique à leur égard afin de garantir une couverture équilibrée et lucide. Ce point est particulièrement important pour éviter toute manipulation des médias et expliquer ces stratégies aux publics visés.
Certaines approches couramment employées pendant les campagnes par les partis et les candidats peuvent être résumées comme suit :
- Dicter le programme. En général, les candidats ou les partis politiques en compétition préfèrent mener leur campagne dans des domaines qui leur sont familiers. Ainsi, un parti peut faire porter le débat électoral sur le thème de la gestion de l’économie. Un autre mettra l’accent sur la sécurité nationale. Le succès de leur stratégie de campagne dépendra de leur capacité à amener les médias à couvrir le thème prioritaire de leur parti et à éviter le thème privilégié par le parti rival. Les journalistes devraient être conscients de ces manœuvres et couvrir de manière équilibrée chaque thème des participants ainsi que les préoccupations des électeurs.
- Utiliser des événements légers pour gagner la sympathie des électeurs. Cette stratégie est vieille comme le monde. Les responsables politiques serrent des mains, embrassent des bébés, boivent une bière, jouent au bowling ou à la pétanque – bref, se livrent à des activités culturellement appropriées pour montrer aux électeurs qu’ils pourraient être leur ami ou leur voisin. Les électeurs reconnaissent généralement le côté artificiel de ces événements, mais ces approches restent concluantes dans leur intention. Elles constituent également un moyen d’éviter les questions potentiellement préjudiciables pour la plateforme du parti ou du candidat. Par conséquent, les journalistes se retrouvent souvent confrontés à un dilemme. Ces événements ne sont pas de véritables nouvelles, mais les médias risquent de se faire damer le pion par leurs concurrents s’ils ne les couvrent pas. Cela explique en partie pourquoi la couverture électorale est parfois superficielle et non informative.
- Changer de sujet. Cette stratégie est étroitement liée aux deux précédentes. Lorsque survient un événement potentiellement préjudiciable vis-à-vis d’une plateforme, le candidat ou le parti s’empresse de diriger l’attention des médias ailleurs, en pointant du doigt par exemple les lacunes de l’opposition ou en annonçant d’autres promesses électorales. Les partis sortants sont particulièrement bien placés pour faire diversion, car ils peuvent créer des événements officiels ou faire des annonces qui détourneront facilement l’attention des médias.
- Occuper l’espace médiatique. Nonobstant ce qui précède, les responsables médias des partis et des candidats partent généralement du principe qu’il n’existe pas de mauvaise publicité. Cette hypothèse se vérifie en partie pendant les élections. Personne ne vote pour un candidat dont il n’a jamais entendu parler.
- Faire circuler des informations préjudiciables pour l’opposition. L’attitude du public concernant les campagnes politiques négatives varie énormément selon les cultures politiques. En général, cependant, les attaques verbales contre les candidats et les partis rivaux sont beaucoup moins efficaces que des reportages négatifs habilement placés. Devant toute nouvelle négative, le journaliste doit se poser les questions suivantes : « Qui en est l’auteur et quelles sont ses motivations potentielles ? »
Le Guide pratique du journaliste en période électorale de Reporters sans frontières fournit les conseils suivants pour faire face aux stratégies et aux rhétoriques de campagne :
- Ne pas se contenter de reprendre les informations fournies par un parti ou un candidat, mais essayer d’en expliquer les enjeux.
- Ne jamais simplement retranscrire, même en les paraphrasant, les communiqués et les autres déclarations. Les comparer avec ce que les candidats ont accompli aux responsabilités et aux postes qu’ils ont déjà occupés ou avec les engagements qu’ils ont formulés lors des précédentes campagnes. Faire intervenir des experts pour évaluer l’adéquation de leurs propositions aux besoins du pays ou de la communauté et rendre compte des éventuelles contradictions et conflits d’intérêts.
- Mettre entre guillemets et/ou attribuer toujours à leurs auteurs les phrases issues d’un communiqué ou d’une conférence de presse.
- Faire preuve d’assurance pendant les conférences de presse. Ne pas se contenter d’écouter. Demander des explications, des précisions, des exemples, des chiffres et des justifications.
- Ne pas se fier aux statistiques fournies par un parti sur le nombre de personnes ayant participé à un rassemblement. Les comparer avec d’autres sources : les journalistes, les habitants du quartier, les forces de l’ordre ou toute autre personne présente sur les lieux.
- Apprendre à reconnaître les événements fabriqués par les candidats pour les couvrir en tenant compte de leur contexte. Être attentif aux réactions des personnes présentes lors d’une visite d’un candidat dans une école, un hôpital ou une entreprise. Son discours a-t-il suscité des réactions ? Étaient-elles toujours positives ? Les personnes visitées ont-elles posé des questions ? Semblaient-elles spontanées ? Il est utile de rester sur les lieux après le départ du candidat pour tenter d’en savoir plus.
- Vérifier que le message officiel véhiculé correspond bien aux convictions du candidat. Par exemple, si un candidat se déplace dans une école pour déclarer qu’il a toujours considéré l’éducation comme une priorité, vérifier s’il a déjà été à l’initiative de projets dans ce domaine.
- Distinguer clairement les activités officielles des responsables gouvernementaux de leurs activités en tant que candidat ou membre de parti[i].
[i] Herve Barraquand et Martine Anstett. Guide pratique du journaliste en période électorale, Paris : Organisation internationale de la Francophonie, s.d., p. 52-53