Shumbana Karume
Contexte
Suite aux violences postélectorales de 2007-2008, la communauté régionale et internationale a lancé des appels aux responsables politiques kényans et l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a pris la tête d’une mission de médiation dont les efforts ont été couronnés de succès. Diverses factions et plusieurs partis politiques ont signé le 28 février 2008 loi de réconciliation et d’accord national (National Accord and Reconciliation Act). Cet accord, qui avait pour but de résoudre la crise postélectorale, engageait toutes les parties à mettre un terme immédiat à la violence, à rétablir les libertés et les droits humains fondamentaux et à s’attaquer à des questions à long terme comme les réformes constitutionnelle et institutionnelle. Pour diriger ces réformes, il prévoyait la création d’un Comité indépendant d’examen (Independent Review Committee, IREC). Conformément à son cahier des charges, l’IREC a présenté ses conclusions et ses recommandations en janvier 2009 dans le rapport Kriegler.
Les conclusions de ce document reposent sur l’analyse du cadre juridique des élections au Kenya (structure, composition et système de gestion de la Commission électorale du Kenya (Electoral Commission of Kenya, ECK)) ainsi que sur l’organisation et la conduite des activités électorales de 2007. Il conclut : « La liste électorale, mise à jour occasionnellement depuis 1997, présente de graves lacunes à divers titres, qui en elles-mêmes suffisent à faire planer le doute sur l’intégrité des résultats électoraux » mais aussi : « Le grand nombre de chiffres de fréquentation aussi élevés qu’invraisemblables rapportés dans les bastions des deux principaux partis politiques suggère une corruption généralisée du scrutin (probablement bourrage des urnes, usurpation de l’identité d’électeurs absents, achat de votes et/ou pots-de-vin ») [1]. Il émet également des recommandations approfondies et détaillées en vue de remédier à des procédés incompatibles avec les bonnes pratiques en matière d’organisation d’élections. Le rapport propose plusieurs mesures pour remédier à certains de ces manquements et conseille à l’ECK de les mettre en œuvre afin d’améliorer les futures élections.
Après le rapport de l’IREC et en accord avec le sentiment de l’opinion publique, le Parlement kényan votait en 2008 le remplacement de l’ECK par une nouvelle structure de gestion électorale. Un amendement des articles 41 et 41A de l’ancienne Constitution a donc créé la Commission électorale indépendante intérimaire (Interim Independent Electoral Commission, IIEC) en mai 2009. L’IIEC était composée d’un président et de huit membres choisis à l’issue d’un processus concurrentiel par un comité restreint du Parlement, approuvés par l’Assemblée nationale et nommés par le président en consultation avec le Premier ministre. Conformément à l’amendement de la Constitution, l’IIEC devait être dissoute trois mois après la promulgation de la nouvelle Constitution, qui prévoirait la création d’un organe électoral permanent pour lui succéder et mener à bien les réformes. La Commission disposait donc de douze mois pour remplir son mandat.
Ses fonctions étaient les suivantes (mais les fonctions de découpage électoral furent rapidement transférés à la Commission intérimaire indépendante de révision des circonscriptions (Interim Independent Boundaries Review Commission)[2]:
- réforme du processus électoral et de la gestion des élections afin d’institutionnaliser des élections libres et équitables ;
- création d’un Secrétariat efficient et efficace ;
- plaidoyer en faveur d’élections libres et équitables ;
- réinscription des électeurs et création d’une nouvelle liste électorale ;
- conduite et supervision efficientes des élections et des référendums ;
- élaboration d’un système moderne de collecte, de collationnement, de transmission et de pointage des données électorales ;
- facilitation de l’observation, du suivi et de l’évaluation des élections et des référendums ;
- promotion de l’éducation des électeurs et d’une culture de démocratie ;
- résolution des contentieux électoraux mineurs pendant les élections, conformément aux dispositions légales ;
- exécution d’autres fonctions prescrites par la loi.
Le mandat de l’IIEC lui confiait explicitement la responsabilité de la conduite des réformes électorales recommandées par le rapport de l’IREC, telles que la création d’une nouvelle liste électorale afin de pallier les graves anomalies que présentait la liste existante. L’IIEC a pu mener plusieurs de ces réformes. La gestion et l’organisation du référendum constitutionnel du 4 août 2010, jugées transparentes et optimales par toutes les parties prenantes, ont constitué sa réussite la plus notable.
Le référendum a débouché en 2010 sur l’adoption d’une nouvelle Constitution, plébiscitée par 68 % des votants. L’article 88 de ce texte prévoit la création de la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral (Independent Electoral and Boundaries Commission, IEBC), qui est par ailleurs reconnue et assujettie aux dispositions constitutionnelles relatives aux commissions constitutionnelles et aux bureaux indépendants [3].
Comme toutes les autres commissions constitutionnelles, l’IEBC n’est soumise qu’à la Constitution et de ce fait indépendante. Elle n’est donc pas soumise à la direction ou au contrôle d’une quelconque personne ou autorité [4] Cette indépendance institutionnelle est également explicitement prévue à l’article 25(2) de la loi sur la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral, qui précise que tous les membres et tous les employés de la Commission rempliront leurs fonctions et exerceront les pouvoirs que leur confère cette loi en toute indépendance et sans direction ni intervention d’un quelconque représentant de l’État, fonctionnaire, organe du gouvernement, parti politique, candidat ou de toute autre personne ou organisation.
Cadre législatif régissant la Commission électorale du Kenya
Le vote de la nouvelle Constitution en août 2010 a marqué d’une pierre blanche le développement politique du Kenya. Le texte conférait un cadre à la mise en œuvre de plusieurs réformes institutionnelles et juridiques importantes soit sur des points entièrement nouveaux, soit visant à assurer la conformité des lois de secteurs concernés avec ses dispositions.
Le secteur électoral a été le plus touché par la promulgation de la nouvelle Constitution. Les dispositions constitutionnelles en rapport avec les élections (chapitre 7, articles 81 à 92) sont considérées aller dans le sens du progrès et s’inspirent des bonnes pratiques en matière d’organisation d’élections démocratiques en usage dans d’autres pays. L’article 88 de la Constitution définit les fonctions de l’IEBC ainsi que les critères d’appartenance et les modalités de nomination de ses membres. La Constitution garantit également le droit de tous les Kényans à participer aux élections et aux référendums (article 83) et comprend des dispositions favorables à la participation au processus électoral de groupes traditionnellement exclus tels que les femmes et les personnes handicapées (article 81).
Certaines de ses dispositions concernent la législation électorale. Le texte précise que le Parlement votera des lois confiant à l’IEBC le découpage électoral pour l’élection des députés et des membres des assemblées de comtés, la nomination des candidats, l’inscription des électeurs, la conduite des élections et des référendums ainsi que l’inscription progressive des citoyens résidant hors du territoire national.
La nouvelle Constitution définit également plusieurs principes directeurs pour l’introduction de règlements et de décisions administratives relatifs au système électoral. L’article 81 énonce les principes directeurs applicables au système électoral, à savoir : liberté d’exercice des droits politiques par les citoyens, proportion de deux tiers maximum de représentants du même sexe dans les instances élues, représentation équitable et égalité des suffrages, tenue d’élections libres et équitables à bulletin secret sans violence ni intimidation, conduites par un organe indépendant en toute impartialité et neutralité. Ces principes ont ouvert la voie à l’abandon du scrutin majoritaire à un tour en faveur de la représentation proportionnelle.
Plusieurs lois électorales sont venues compléter la nouvelle Constitution. Elles régissent directement différents aspects des élections et du processus électoral. Les parties prenantes demandent que leurs exigences contradictoires soient résolues avant le prochain scrutin. Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, la dispersion de nombreuses lois à visée électorale dans divers textes législatifs compliquait fortement la tâche des responsables de leur application. Plusieurs ont été révisées et consolidées en 2011, notamment la loi sur l’IEBC, la loi sur les partis politiques et la loi électorale.
La loi sur l’IEBC définit le mécanisme et le cadre de la composition, du fonctionnement et de la gestion de la Commission. Sa partie II contient des dispositions relatives à l’administration de la Commission, notamment ses structures internes, ses fonctions ainsi que la nomination et les conditions de travail de ses membres et de son personnel. La partie III porte sur la création et l’administration du Fonds de l’IEBC ainsi que sur d’autres procédures financières. La partie V contient quant à elle diverses dispositions concernant les principes régissant l’exécution du mandat, l’indépendance et la gestion de l’information de l’IEBC. Cette loi comporte quatre annexes : la première définit la procédure de nomination des membres de la Commission, la deuxième aborde la conduite de ses affaires, la troisième prescrit le serment ou la déclaration solennelle à prononcer par les membres et le secrétaire, tandis que la quatrième constitue le code de conduite des membres et du personnel de la Commission [5].
Le code de conduite, qui s’applique aux élections et aux référendums, constitue une nouveauté dans le paysage électoral kényan. Ce texte complet renforce le professionnalisme des employés de l’IEBC et oblige les partis politiques, les membres du comité sur les référendums et les candidats à respecter les valeurs et les principes constitutionnels. Il exige de tous les membres et de tout le personnel un comportement professionnel, efficace, impartial et indépendant et interdit aux employés de détenir une autre charge publique. Tous les membres doivent remplir leurs obligations dans le respect des droits et des libertés de tous et de manière à conserver la confiance du public.
Pouvoirs et fonctions
Les fonctions de l’IEBC sont précisées dans l’article 88(4) de la Constitution ainsi que dans la loi électorale de 2011 :
- conduite ou supervision des référendums ;
- conduite et supervision des élections à toute instance élue créée par la Constitution ;
- conduite et supervision de toute autre élection éventuellement prescrite par la loi ;
- inscription permanente des citoyens sur la liste électorale ;
- révision périodique de la liste électorale ;
- découpage électoral ;
- réglementation du processus de nomination des candidats à des élections par les partis ;
- règlement des contentieux électoraux, notamment ceux liés aux nominations, à l’exception des recours et des litiges postérieurs à la promulgation des résultats ;
- enregistrement des candidats aux élections ;
- éducation des électeurs ;
- facilitation de l’observation, du suivi et de l’évaluation des élections ;
- réglementation des montants pouvant être dépensés par un candidat ou un parti ou en son nom pour une quelconque élection ;
- élaboration d’un code de conduite à l’intention des candidats et des partis participant aux élections ;
- suivi du respect de la législation relative à la nomination des candidats par les partis ;
- conduite d’enquêtes et poursuites à l’égard des candidats, des partis politiques ou de leurs agents en cas d’infraction électorale présumée.
L’IEBC détient également le pouvoir résiduel de remplir toute autre fonction prévue par la Constitution ou une autre loi écrite. Cela lui a permis d’intervenir en dehors de son mandat légal formel, notamment en conseillant ou en administrant les élections d’institutions comme le barreau kényan (Law Society of Kenya). L’étendue de son mandat lui vaut aussi d’être considérée comme la principale institution dotée de l’autorité suffisante en matière de conseil sur les questions électorales.
Composition et nomination des membres de la Commission
L’article 5(1) de la loi sur l’IEBC prévoit que la Commission sera constituée d’un président et de huit autres membres, soit beaucoup moins que les 22 membres de l’ancienne ECK. Sa première annexe fixe les modalités de nomination du président et des membres. En cas de poste vacant au sein de la Commission, le président doit nommer sous quatorze jours un comité de sélection composé d’un président et de huit membres choisis parmi des professionnels éminents du secteur privé ou public possédant l’expertise requise [6]. Dans les sept jours suivant sa création, ce comité doit lancer un appel à candidatures et publier le nom de tous les candidats. Il doit ensuite procéder à une présélection et mener des entretiens. À l’issue des entretiens, il doit choisir trois personnes qualifiées pour le poste de président et treize autres qualifiées pour les postes de membres, puis transmettre leurs noms au président, qui doit les faire approuver par l’Assemblée nationale. Conformément à la Constitution, le président soumet ses choix au Premier ministre.
Après réflexion et approbation, l’Assemblée nationale transmet les noms au président afin qu’il procède aux nominations. En cas de refus de l’Assemblée nationale, son porte-parole doit en notifier le président le plus rapidement possible. Dans les quatorze jours suivant le refus, le président propose à l’Assemblée nationale de nouveaux noms tirés de la liste de candidats reçue par le comité de sélection. Si elle refuse tous ces nouveaux noms ou l’un quelconque d’entre eux, le comité de sélection remettra au président de nouveaux noms tirés de la liste des personnes présélectionnées et ayant passé un entretien et les procédures décrites ci-dessus seront répétées.
Les dispositions de la loi sur l’IEBC relatives à la nomination et au bon fonctionnement de la Commission détaillent aussi les qualifications requises de son président et de ses membres. Le président doit posséder les qualifications requises par la Constitution pour occuper la fonction de juge à la Haute cour, tandis que les membres doivent posséder la nationalité kényane, détenir un diplôme d’une université reconnue, posséder une expérience avérée en matière de questions électorales, de gestion financière, de gouvernance, d’administration publique ou de droit et satisfaire aux critères de leadership et d’intégrité énumérés au chapitre 6 de la Constitution. Toute personne ayant détenu une charge officielle au cours des cinq années précédentes, ayant été candidate à la députation et/ou à une instance dirigeante d’un parti politique ou détenant une charge d’État ne peut pas faire partie de l’IEBC.
Le président, le vice-président et les membres de la Commission sont choisis pour six ans non renouvelables. Ils doivent prendre leur retraite à l’âge de 70 ans. Comme indiqué à l’article 7 de la loi sur l’IEBC, le président et le vice-président occupent leurs fonctions à temps plein mais les sept autres membres ne les occupent qu’à temps partiel. Les membres sont inamovibles conformément aux articles 248(1) et 251 (chapitre 15) de la Constitution et ne peuvent être révoqués qu’au titre d’une violation grave de la Constitution ou de toute autre loi, d’une faute grave, d’une incapacité physique ou mentale à remplir leurs fonctions, d’incompétence et de faillite. En cas de dépôt d’une requête de révocation, le président a le droit de nommer un tribunal pour répondre à la requête après examen par l’Assemblée nationale. Ledit tribunal émet une recommandation contraignante à l’intention du président, qui agit en conséquence sous 30 jours.
Le secrétaire et le Secrétariat de la Commission, composé de responsables professionnels, techniques, administratifs et de personnel d’appui, sont nommés par la Commission à l’issue d’un processus concurrentiel ouvert et transparent. Des fonctionnaires peuvent également être détachés à la Commission à sa demande. Les fonctionnaires détachés à la Commission sont considérés employés par elle et jouissent des mêmes avantages que son personnel. Ils doivent respecter la Constitution, la loi relative à l’IEBC et tout autre texte législatif écrit en rapport avec les élections. Comme le président et les membres de la Commission, son secrétaire est nommé pour six ans, mais son mandat peut être renouvelé.
Structure institutionnelle
La structure de l’IEBC est conforme aux dispositions de la loi qui en porte création et requiert que son président et ses membres respectent la répartition des tâches entre la Commission (instance d’élaboration de politiques) et son Secrétariat (instance administrative et de mise en œuvre des politiques). La tâche d’élaboration des politiques relève de la compétence d’un comité spécifique.
Le secrétaire agit comme directeur général responsable de l’exécution des décisions de la Commission. Il affecte les tâches et supervise tous les employés de la Commission et est chargé de la facilitation, de la coordination et de l’exécution du mandat de la Commission. Il dirige le Secrétariat, dont le rôle principal est de gérer les activités quotidiennes de la Commission. Celui-ci est composé d’un directeur général adjoint, de 17 cadres et de neuf directeurs à la tête des directions suivantes : Inscription des électeurs et activités électorales, TIC, Ressources humaines et administration, Éducation des électeurs et partenariats, Finances et achats, Affaires juridiques et publiques, Recherche et développement, Risque et conformité et Enregistrement des partis politiques. Le fonctionnement de chaque direction est assuré par une équipe de cadres supérieurs, de cadres intermédiaires et d’employés. La Commission est également composée de 17 bureaux régionaux administrés par des coordinateurs électoraux régionaux et de 210 agents de circonscriptions travaillant sous la direction de coordinateurs électoraux de circonscription responsables de la coordination des activités de la Commission à échelle régionale.
Financement
L’IEBC est financée par le gouvernement par l’intermédiaire du Parlement au titre d’un budget indépendant qui n’est plus lié au ministère des Finances. Le Parlement a le devoir d’allouer des fonds suffisants pour que la Commission puisse remplir ses fonctions. Néanmoins, celle-ci tire aussi ses ressources de subventions, de cadeaux, de dons ou d’autres dotations ainsi que de sommes qui peuvent lui être dévolues ou qu’elle est susceptible de percevoir dans l’exercice de ses fonctions.
Le processus d’acquisition de fonds commence par la préparation de propositions de budget pour chaque exercice financier et leur soumission au Trésor public. Le budget convenu est ensuite soumis à l’examen et à l’approbation du Parlement. Une fois approuvée, la dotation est versée dans un fonds spécial consolidé géré par le secrétaire de la Commission conformément aux lois et aux règlements relatifs à la gestion des finances publiques. Toutes les dépenses opérationnelles et autres encourues par la Commission dans l’exercice de ses fonctions sont prélevées sur ce fonds. Auparavant, il était réservé aux salaires et aux indemnités. Depuis les réformes, toutes les charges de l’IEBC, notamment les dépenses récurrentes et celles liées aux réformes et aux élections, y sont imputées.
Bien que l’imputation de toutes ses dépenses électorales au fonds consolidé ait amélioré son indépendance financière, l’IEBC continue à avoir du mal à obtenir en temps et en heure des autorités concernées les fonds requis pour mener les processus électoraux. Cette situation a prolongé sa dépendance vis-à-vis du financement et de l’assistance des donateurs, qui passent en général par le Programme d’assistance électorale pour le Kenya (Kenya Elections Assistance Programme) dirigé par le PNUD. Des donateurs spécialisés dispensent également une assistance technique à l’IEBC dans divers domaines. Au début de son mandat, des donateurs se sont engagés à lui fournir un appui financier à verser au titre du sous-groupe en charge des élections du Groupe des donateurs pour la gouvernance démocratique (Democratic Governance Donor Group, DGDG). Cet appui devra être revu et les fonds devront être versés car l’IEBC n’a pas réussi à obtenir le financement intégral de son budget par le gouvernement.
Responsabilité
Conformément aux articles 20 et 23 de la loi portant création de l’IEBC, celle-ci doit respecter toutes les procédures de rapports sur ses activités ainsi que les règlements financiers et les procédures comptables relatifs à la gestion de ses fonds. Elle doit présenter son rapport annuel au président et le soumettre au Parlement dans un délai de trois mois après la fin de l’exercice. Il contiendra ses états financiers, le détail des activités qu’elle a menées au cours de l’année et toute autre information que la Commission jugera pertinente. La Commission est tenue de publier son rapport annuel au Journal officiel et dans au moins un journal national.
Les articles 20 à 22 de la loi sur l’IEBC comportent d’autres dispositions relatives à ses obligations en matière de reporting financier. Elle doit tenir des livres et des archives en bonne et due forme de ses revenus, de ses dépenses et de ses actifs. Ces documents doivent être soumis au contrôleur général dans un délai de trois mois après la fin de chaque exercice, accompagnés de son compte d’exploitation.
Professionnalisme des responsables électoraux
Le code de conduite de l’IEBC met fortement l’accent sur le professionnalisme. Il comporte plusieurs dispositions relatives à l’intégrité, à l’honnêteté, à la transparence et au professionnalisme dont les membres et les employés de la Commission sont tenus de faire preuve. Tous les membres et tous les employés doivent remplir leurs obligations avec intégrité, traiter leurs collègues avec respect, respecter les droits de tous leurs interlocuteurs et effectuer leurs tâches de manière professionnelle, efficiente, transparente, efficace et conforme au principe d’État de droit.
Ainsi, la loi dispose que les membres ou employés de la Commission n’utiliseront pas personnellement ou ne tireront pas profit d’éventuelles informations confidentielles obtenues du fait de leur appartenance à la Commission tant qu’ils y occuperont un poste. Ils mèneront leurs affaires privées d’une manière qui n’ébranle pas la confiance du public dans l’intégrité de leur charge et de la Commission dans son ensemble. Le code de conduite sert donc à renforcer le professionnalisme avec lequel les employés remplissent leurs obligations et comporte plusieurs dispositions pour améliorer l’intégrité professionnelle.
La loi sur l’IEBC traite par ailleurs du bon fonctionnement de la démocratie interne de la Commission et comporte des règles et procédures qui, si elles sont respectées, aboutiront à une meilleure gouvernance ainsi qu’à davantage de professionnalisme et de crédibilité. Sa deuxième annexe, qui vise à réglementer la conduite des affaires de la Commission, exige la tenue régulière de réunions, la production d’un compte rendu en bonne et due forme à l’issue de chacune d’entre elles ainsi que le respect de règles et de procédures claires en cas de conflit d’intérêts. Ces dispositions permettront à la Commission de mener ses affaires de manière démocratique et transparente.
En pratique, afin de renforcer les capacités et le professionnalisme de son personnel, l’IEBC a mis à sa disposition divers programmes internes d’autoformation sur différents aspects des élections et de la décentralisation.
Responsabilité en matière de justice électorale
La Constitution donne au Parlement la responsabilité de voter une législation mettant en place des mécanismes de règlement rapide des contentieux électoraux. L’article 88(4)(e) confère à l’IEBC la responsabilité de régler les contentieux électoraux, notamment ceux liés aux nominations, à l’exception des recours et litiges postérieurs à la promulgation des résultats. Conformément à cette disposition constitutionnelle, la loi électorale de 2011 contient plusieurs articles portant sur la résolution des contentieux électoraux. C’est le cas de la section VI notamment, qui spécifie également le délai de règlement des recours électoraux déposés auprès de la Commission.
Comme le dispose la loi électorale, les litiges seront tranchés dans un délai de sept jours après saisine de la Commission. S’ils concernent une nomination ou une élection à venir, ils seront résolus avant la date de l’événement en question. La loi électorale fixe un délai de 28 jours après la promulgation des résultats par l’IEBC pour déposer un recours en rapport avec les élections [7]. Elle autorise aussi la Commission à émettre des règlements contenant des mécanismes de résolution des contentieux et des recours électoraux, mais celle-ci n’en a pas encore publié.
Dotée du mandat légal pour enquêter sur les fraudes électorales et poursuivre leurs auteurs en justice, l’IEBC a commencé à recruter des enquêteurs et des responsables des poursuites judiciaires pour améliorer ses capacités en la matière. En dépit des dispositions législatives en vigueur, elle n’a pas sévi à ce jour, bien que des pratiques illicites (achat de votes et distribution de pots-de-vin aux électeurs, par exemple) aient été constatées lors des récentes élections partielles.
Rapports avec les parties prenantes et les médias
Lors de l’élection très contestée de 2007, les médias ont fait l’objet de sévères critiques. Le rapport de l’IREC, notamment, leur a reproché la nature tendancieuse de leur couverture de l’événement ainsi que leur rôle dans la diffusion d’émissions incendiaires et partisanes. Le gouvernement a été blâmé pour la faiblesse du cadre juridique et institutionnel réglementant les médias. Une nouvelle législation et des amendements à des lois existantes ont été votés pour le renforcer. Ainsi, l’article 34 de la Constitution garantit l’indépendance des médias et prescrit que tous les médias publics seront libres d’exercer leur activité de manière impartiale et de choisir en toute indépendance le contenu éditorial de leurs émissions et de leurs autres messages. Tous les médias publics devraient pouvoir présenter des points de vue et des opinions divergents. La Constitution confère également au Parlement le pouvoir de légiférer afin de créer un organe indépendant chargé de définir des normes applicables aux médias ainsi que de réglementer et de surveiller le respect des normes en vigueur.
Le Parlement a également voté la loi sur l’amendement des communications (Kenya Communications Amendment Act, 2009) afin de s’attaquer à certains problèmes posés par la réglementation des médias. Cette loi prévoyait la création d’un Conseil consultatif sur les contenus radiodiffusés (Broadcasting Content Advisory Council), inauguré en juin 2010. La loi sur les médias de 2010, qui prévoyait la création du Conseil des médias du Kenya (Media Council of Kenya) et lui conférait la responsabilité de réglementer le comportement des médias, va dans le même sens. Mais le Parlement ne s’est pas encore prononcé sur plusieurs projets de loi visant à améliorer le professionnalisme des médias, dont le projet de loi sur les médias de 2012 et le projet de loi Liberté et information de 2012.
Avant les élections de 2013, le Conseil des médias a publié des lignes directrices visant à garantir le professionnalisme des journalistes tant dans leur conduite que dans leurs articles et leurs reportages. L’IEBC a également rédigé des lignes directrices sur le suivi des élections dans les médias et créé un centre de presse centralisant la publication officielle de toutes les informations d’ordre électoral. En dépit de ces points positifs, il n’existe à ce jour aucune loi garantissant un accès équitable aux médias pendant les élections. La loi électorale de 2011 donne bien pouvoir à l’IEBC de réglementer l’accès aux médias, mission qu’elle n’a pas encore accomplie à ce jour.
Outre le Comité de liaison avec les partis politiques (Political Parties Liaison Committee, PPLC) créé par le cadre juridique en tant qu’instance statutaire de dialogue et de consultations structurés entre les partis politiques et l’IEBC au niveau national et des comtés, la Commission a entrepris d’autres efforts pour rationaliser les consultations avec les parties prenantes, notamment les partis politiques. Elle a récemment publié des lignes directrices pour guider les pratiques des partis politiques et communiqué régulièrement des informations à toutes les parties prenantes dans le cadre de consultations structurées telles que le Forum de la société civile (Civil Society Forum) et d’initiatives en direction du grand public comme le Forum de dialogue avec les partenaires (Partners' Dialogue Forum), qui facilitent la participation d’observateurs à ses activités et permettent aux donateurs d’interagir plus étroitement avec elle. En dépit de ces efforts, les consultations entre l’IEBC et les parties prenantes semblent insuffisantes et il convient donc d’envisager d’augmenter la fréquence des réunions et d’élargir l’éventail des participants.
Capacité à acquérir et à gérer les nouvelles technologies électorales
La loi électorale de 2011 prévoit l’intégration de technologies appropriées aux processus électoraux. Conformément à son mandat et suite aux difficultés rencontrées lors de l’élection de 2007, l’IEBC a introduit plusieurs nouvelles technologies afin de résoudre des problèmes spécifiques. La première a été l’inscription électronique des électeurs et la création d’une liste électorale électronique. Le recours à la biométrie (empreintes digitales et photos, par exemple) permet de repérer facilement les inscriptions multiples. Elle renforce également l’efficacité et la précision car il est possible de contrôler immédiatement les renseignements fournis par les électeurs. L’inscription électronique des électeurs a été utilisée avec succès lors du référendum national de 2010 ainsi qu’à l’occasion de toutes les élections parlementaires et partielles ultérieures. L’IEBC a également introduit en 2012 un système électronique de pointage et de transmission des votes afin de remédier aux retards dans la promulgation des résultats définitifs qui avaient largement contribué à la crise postélectorale de 2007. La Commission a pour ambition d’automatiser entièrement les processus électoraux, notamment l’inscription, le vote et la transmission des résultats électroniques.
Notes
[1] Rapport de Kriegler et Waki sur les élections de 2007 au Kenya, avril 2009
[2] Amendement à la Constitution, article 41a.
[3] Chapitre 15 de la Constitution du Kenya
[4] Articles 88(5) et 249(2) de la Constitution
[5] Loi sur l’IEBC de 2011
[6] Loi sur l’IEBC de 2011, annexe IV – Procédure relative à la nomination du président et des membres de la Commission
[7] Loi électorale de 2011, section VI
References
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