Ces dernières années, les fournisseurs de technologie électorale ont commencé à proposer un nombre croissant de services aux OGE du monde entier. Grâce au déploiement de leurs solutions dans de nombreux contextes et élections, bien au-delà des responsabilités habituelles d’un OGE unique, ils ont acquis une vaste expérience technique, opérationnelle et commerciale. Les OGE se voient souvent soumettre de multiples propositions d’évaluation de nouveaux types de technologie électorale aux fins d’achat éventuel. Les produits et les services proposés peuvent grandement les aider à organiser les élections mais cette présence accrue des fournisseurs dans le domaine électoral soulève aussi plusieurs problèmes.
Approche fondée sur les besoins
Même si les fournisseurs ont intérêt à ce que les élections dans lesquelles ils interviennent se déroulent sans encombre, leur objectif premier est naturellement d’augmenter leur chiffre d’affaires plutôt que d’améliorer le processus électoral. Leurs propositions visent donc davantage à optimiser l’utilisation de leurs produits qu’à améliorer le résultat électoral de cette utilisation. Les OGE amenés à choisir une technologie électorale doivent adopter le comportement opposé : leur objectif premier doit être l’amélioration du processus électoral, que les différentes options technologiques à leur disposition seront à même de faciliter, ou pas.
Par conséquent, ils devraient avant tout commencer par définir la nature du problème électoral à résoudre et les solutions les mieux adaptées et non par s’interroger sur la nature de la technologie à choisir ou les modalités de sa mise en œuvre.
Achats
Les élections diffèrent selon les pays et la technologie électorale doit apporter à chacun d’entre eux des solutions qui lui soient propres. Les achats électoraux doivent être menés avec beaucoup d’intégrité, de transparence et de compétitivité. Néanmoins, les marchés importants requièrent de prévoir dans le calendrier envisagé de longues procédures d’appel d’offres. L’achat de technologie est un processus complexe qui tend à prendre davantage de temps qu’on ne l’imagine au départ. La date de scrutin étant fixe, la mise en œuvre de la solution retenue peut en pâtir. Par conséquent, il faut lancer les appels d’offres longtemps avant l’élection à laquelle la technologie est destinée.
Le processus d’achat doit déterminer soigneusement les systèmes à acquérir. Dans l’idéal, les OGE devraient élaborer les spécifications sans les fournisseurs, mais ils ne sont pas toujours capables de préciser l’ensemble de leurs besoins et ne connaissent pas toutes les options et les possibilités techniques. Dans ce cas, il faut envisager des discussions avec les fournisseurs dans le cadre du processus d’achat : une fois plusieurs fournisseurs potentiels identifiés, les OGE peuvent mener avec eux des discussions structurées afin d’identifier les différentes solutions réalistes répondant à leurs besoins.
Dépendance exclusive à l’égard des fournisseurs
Lorsque la technologie est la propriété exclusive d’un fournisseur, lorsque les formats de données ne sont pas ouverts ou lorsque les OGE dépendent fortement d’un fournisseur pour leurs activités électorales, ils risquent d’en devenir « captifs ». Il peut également arriver que des parties prenantes électorales manifestent une préférence marquée pour un fournisseur de confiance bien implanté et ne souhaitent pas que les OGE se tournent vers des alternatives. Ces derniers doivent éviter ce genre de situation s’ils veulent continuer à contrôler les systèmes qu’ils utilisent et les coûts y afférents.
Comparaison entre systèmes open source et en propriété exclusive
Lorsque la transparence d’une application électorale informatique constitue pour elles un critère important, les parties prenantes exigent fréquemment le recours à des logiciels open source, c’est-à-dire des logiciels dont le code source est accessible à tous et qui sont assortis d’une licence en autorisant le libre usage et la libre distribution. L’accès au code source est indispensable pour que les experts comprennent exactement comment fonctionne un système informatique. Non seulement les logiciels open source renforcent la transparence, mais ils sont aussi considérés bon marché et sûrs et limitent le risque de mainmise des fournisseurs. Dans le même temps, ceux-ci tendent à bâtir leurs modèles stratégiques sur des logiciels en propriété exclusive aux codes source fermés, principalement pour protéger leur propriété intellectuelle et parfois pour limiter l’accès à un petit public interne pour des raisons de sécurité.
Les tenants des logiciels open source de gestion électorale affirment que la technologie électorale constituant un outil crucial de la démocratie, elle doit être totalement transparente et appartenir au public. La fondation pour le vote électronique open source (Open Source Digital Voting Foundation, OSDV), par exemple, développe des systèmes électoraux totalement open source. Mais les initiatives de cette nature ont du mal à s’imposer et sont de plus en plus confrontées à un marché où opèrent déjà des fournisseurs expérimentés et leurs systèmes en propriété exclusive.
Un nombre croissant de fournisseurs est conscient de l’importance que de nombreuses parties prenantes électorales accordent à la transparence. La Norvège a par exemple rendu obligatoire le recours à des logiciels open source pour son système de vote sur Internet et le code source du fournisseur retenu a été publié en ligne.
Même si les fournisseurs ne sont pas toujours prêts à passer à l’open source et à l’utilisation gratuite de leurs logiciels, ils acceptent en général de soumettre leur code source à l’examen du public. La divulgation de ces informations peut être limitée à certaines périodes, à certains environnements contrôlés ou à un public d’experts triés sur le volet, ou bien être totale et publique. La transparence accrue et l’accès aux codes en propriété exclusive génèrent souvent des coûts supplémentaires importants. Selon l’application concernée, il conviendra peut-être de trouver un compromis acceptable.
Comparaison entre le développement de systèmes standards et personnalisés
Les administrateurs électoraux ont à prendre une décision fondamentale : se procurer des solutions TIC standards ou développer un système sur mesure. En général, les capacités d’adaptation limitées des systèmes standards risquent de contraindre les États à modifier le processus électoral en conséquence. Dans certains cas, ces changements sont bénéfiques et correspondent aux bonnes pratiques d’utilisation de la technologie électorale. Dans d’autres, ils n’ont pour but que de faire fonctionner la technologie choisie dans un contexte donné. À l’inverse, les systèmes sur mesure pourront coller de plus près au processus électoral existant. Cependant, le développement personnalisé est un processus long et onéreux dont la gestion soulève d’autres problèmes.