La nature et la structure des institutions qui participent à la gestion électorale ou fournissent des services électoraux constituent un volet important de la réforme électorale. Les réformes en la matière peuvent renforcer l’indépendance des OGE, comme ce fut le cas avec l’adoption du modèle indépendant de gestion électorale dans des pays comme le Bhoutan et les Tonga, ou du modèle mixte au Timor-Oriental. Il est possible de redistribuer les responsabilités électorales entre des organismes existants et/ou nouveaux afin d’encourager une meilleure prestation de services (Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Suède, par exemple). En Suède, la réforme de la gestion électorale est venue de l’OGE lui-même. En Indonésie en 1998-1999 et au Royaume-Uni, c’est le gouvernement qui en a pris l’initiative. Les pressions de groupes de la société civile locale ou de groupes internationaux peuvent également être instigatrices de réforme des dispositifs de gestion électorale, comme en Géorgie et au Liberia.
Les réformes des processus électoraux, telles que l’introduction d’un nouveau système électoral, peuvent avoir des conséquences importantes sur les stratégies, les politiques et les procédures d’un OGE. Elles peuvent cibler des questions électorales clés telles que la participation et la représentation, la délimitation des circonscriptions, l’inscription des électeurs, l’enregistrement et la supervision des partis politiques et l’amélioration de l’intégrité électorale. Elles peuvent également cibler des aspects techniques ou technologiques spécifiques du processus électoral comme l’introduction de nouveaux processus d’achats ou de recrutement, de systèmes d’inscription des électeurs ou encore de nouveaux systèmes et méthodes de vote et de dépouillement. Enfin, les réformes des processus électoraux peuvent toucher les politiques sociales : réduction du déséquilibre entre les sexes dans la représentation, amélioration de l’accès aux processus électoraux pour les groupes marginalisés de la société ou amélioration de la représentativité au sein du personnel des OGE.
La réforme du système électoral, comme en Indonésie, en Papouasie - Nouvelle-Guinée et en Nouvelle-Zélande, constitue l’une des plus radicales en matière d’administration électorale. Elle résulte souvent d’une nécessité fonctionnelle, par exemple d’un sentiment d’injustice de la représentation ou d’un manque d’efficacité ou de réactivité de la part du gouvernement. En 2003, le système électoral indonésien est passé d’une représentation proportionnelle (RP) à listes bloquées dans de très vastes circonscriptions à une représentation proportionnelle à listes ouvertes dans de petites circonscriptions pour renforcer les liens, considérés comme insuffisants, entre électeurs et représentants. La nature consensuelle de la gouvernance indonésienne a quant à elle été préservée. La réforme du système électoral fait peser une lourde responsabilité sur les OGE en matière d’information et peut nécessiter la mise en œuvre de nouvelles méthodes de découpage électoral, de vote et de dépouillement.
En leur qualité de défenseurs de processus de délimitation des circonscriptions plus transparents et plus justes, les OGE peuvent jouer un rôle important dans la réforme du découpage électoral, par exemple en émettant des avis d’experts sur la question et en veillant à exercer leurs responsabilités en la matière de manière impartiale, juste et intègre. Certaines réformes électorales ont mis en place des circonscriptions plurinominales, car ce type de système, en général fondé sur la RP, peut atténuer l’influence du découpage électoral sur les résultats des élections. D’autres réformes ont instauré un découpage basé sur le principe « une personne, un vote, une valeur ». D’autres encore ont tenté de rendre les processus de découpage électoral plus transparents et plus objectifs, par exemple en excluant l’assemblée législative du processus de découpage, en chargeant un organisme indépendant de cette tâche et en exigeant des audiences ouvertes et une évaluation indépendante du découpage envisagé.
Le processus d’inscription des électeurs a suscité de multiples efforts de modernisation dans toutes les démocraties, émergentes comme établies. L’inscription des électeurs permet aux personnes admissibles de voter et constitue donc un élément clé de l’équité d’une élection. Comme elle intervient en général bien avant le jour du scrutin et se trouve hors du champ d’examen direct des observateurs (surtout quand les listes électorales s’appuient sur les registres d’état civil ou les recensements), l’intégrité interne de ses systèmes doit être très élevée. Les réformes ont davantage ciblé l’efficacité, mais aussi l’intégrité, des processus d’inscription des électeurs. Elles ont souvent inclus des techniques de saisie et de traitement des données biométriques, dans l’objectif déclaré de limiter les risques d’inscriptions multiples, d’usurpation d’identité des électeurs et/ou de vote multiple.
De nombreux OGE ont mis en place des systèmes visant à améliorer la participation, l’équité, l’exactitude et la transparence de l’inscription des électeurs, en les dotant, par exemple, de dispositifs d’actualisation constante des listes électorales, de dispositions d’inscription spéciales pour les électeurs de passage et de garanties contre les refus ou les suppressions abusifs d’inscriptions. Les OGE ainsi que d’autres organisations responsables de la gestion des données sur lesquelles s’appuient les listes électorales améliorent l’intégrité de ces dernières en utilisant de meilleures méthodes de vérification de l’identité des personnes qualifiées et en réduisant les temps de traitement des données, souvent à l’aide de solutions technologiques modernes. Les OGE doivent s’assurer que les solutions technologiques d’inscription des électeurs jouissent de la confiance des citoyens et sont viables, surtout dans les démocraties émergentes où existent des incertitudes quant aux niveaux de soutien financier futur.
Le rôle des OGE dans la surveillance et la réglementation des activités des partis politiques a connu des évolutions importantes. Certaines sont la conséquence de réformes législatives visant à établir des règles de concurrence politique équitables, comme des réformes de la gestion du financement des partis politiques et des campagnes électorales des candidats par l’État ainsi que des réformes portant sur les conditions nécessaires pour l’enregistrement des partis et des candidats souhaitant se présenter aux élections. D’autres ont cherché à améliorer la supervision des subsides et des dépenses des campagnes électorales ainsi que le fonctionnement démocratique interne des partis politiques (supervision des processus de sélection des candidats, par exemple). Les réformes visant à établir un environnement de concurrence égale pour les élections ont également donné à certains OGE la responsabilité de gérer ou de surveiller les dispositifs exigeant que les médias attribuent des temps de parole égaux pendant les campagnes.
De plus en plus d’OGE mettent en place de nouvelles méthodes de scrutin. Le Bhoutan, le Brésil, l’Inde et le Venezuela ont remplacé les bulletins papier par des MVE, tandis que l’Estonie a introduit le vote par Internet. Le chapitre 9 du présent ouvrage aborde un grand nombre des questions soulevées par l’introduction du vote électronique.
Des efforts importants ont été réalisés pour rendre la participation électorale plus accessible. L’inscription électorale a parfois été ouverte à ceux résidant en dehors du pays, sans domicile fixe ou en prison. L’introduction du vote par voie postale ou anticipé a élargi l’accès au scrutin pour de nombreuses personnes, y compris aux électeurs se trouvant en dehors du pays, de même que la mise à disposition de lieux spéciaux d’information des électeurs sur le scrutin pour les réfugiés, les déplacés, les handicapés, les personnes âgées, les habitants des régions isolées, les détenus et les malades hospitalisés. Les OGE ont dû réagir à toutes ces réformes par la mise en place de procédures et de systèmes permettant d’augmenter l’accès tout en assurant un degré élevé d’intégrité des processus d’inscription des électeurs, de vote et de dépouillement. Le vote par Internet fait actuellement l’objet de nombreuses recherches et constitue un défi pour les OGE qui envisagent son adoption, car les compétences nécessaires à la gestion d’un tel processus diffèrent radicalement de celles dont disposent généralement les OGE qui gèrent des méthodes de vote traditionnelles.
Il convient de noter que les réformes qui suscitent la prolifération de différentes méthodes de vote, ou plus généralement de différentes modalités de mise en œuvre d’une fonction particulière, ont tendance à être plus complexes pour les OGE que celles qui se contentent de remplacer un mécanisme unique par un autre mécanisme unique.
Certains pays ont tenté de réformer l’accès au vote pour assurer un accès équitable à des groupes sociétaux spécifiques et aux femmes. Ces réformes peuvent appeler des mesures complémentaires dans les domaines juridique, administratif et politique. Les OGE peuvent encourager l’égalité d’accès en appliquant le principe à leur personnel, par exemple en exigeant que la parité hommes-femmes soit respectée au sein du personnel temporaire des bureaux de vote et en utilisant des programmes de formation professionnelle internes pour garantir que des femmes obtiennent des postes de cadre au sein des OGE.