Quel que soit le modèle utilisé, tout OGE doit être sûr de pouvoir garantir la légitimité et la crédibilité des processus dont il est responsable. À cette fin, la gestion électorale doit reposer sur des principes directeurs fondamentaux.
Ces principes directeurs forment la base de l’administration électorale et sont essentiels pour garantir l’intégrité réelle et perçue du processus électoral.
Indépendance
Il existe une certaine confusion quant à la définition de l’indépendance des OGE, du fait que le terme « indépendant » renvoie à deux concepts différents : (1) l’indépendance structurelle par rapport au gouvernement (le « modèle indépendant ») et (2) l’« indépendance comme état d’esprit » qui est censée animer tous les OGE (quel que soit le modèle utilisé), lesquels se doivent de résister aux influences gouvernementales, politiques ou partisanes dans leurs prises de décision. Si l’une de ces problématiques tient à la forme et l’autre à la substance, elles sont perçues comme étant liées. En effet, dans de nombreuses régions du monde, le modèle indépendant est considéré comme le plus à même de garantir l’indépendance de l’OGE, de ses décisions et de son action.
L’indépendance institutionnelle ou « structurelle » n’apparaît que dans la constitution ou dans la loi. La façon la plus simple de promouvoir l’indépendance des décisions et de l’action d’un OGE est de créer un cadre juridique qui garantisse son indépendance, ainsi que le prévoient les Constitutions et les principales lois relatives aux OGE de nombreux pays tels que l’Afrique du Sud, le Mexique, l’Uruguay ou la Zambie. Bien que cela soit toujours possible avec le modèle indépendant et que cela puisse l’être avec le modèle mixte, cela se révèle plus difficile à intégrer dans le modèle gouvernemental, compte tenu de son rattachement à un ministère ou à une collectivité locale, et ce au-delà des exigences strictes qui entourent l’impartialité de l’action de l’OGE.
Alternativement, la nomination d’une personnalité publique respectée, connue pour sa neutralité politique, peut également favoriser l’indépendance de l’OGE. Le Burkina Faso a ainsi réglé ce problème en nommant un responsable de la société civile à la présidence de son OGE. Dans les OGE gouvernementaux, la nomination à ce poste de direction d’un fonctionnaire connu pour son intégrité et son indépendance politique, comme en Irlande du Nord, peut avoir un effet tout aussi positif.
Impartialité
Pour établir l’intégrité et la crédibilité des processus électoraux et pour promouvoir une large acceptation des résultats des élections, un OGE doit non seulement gérer les scrutins en totale indépendance, mais également mener ses actions de manière impartiale. Sans cette gestion impartiale et cette indépendance d’action, l’intégrité de l’élection risque d’être compromise et les processus électoraux seraient difficilement perçus comme crédibles, en particulier par les perdants
Tout OGE se doit de gérer les élections avec impartialité. Quel que soit son modèle, sa source de responsabilité, son contrôle de gestion ou son mode de financement, l’OGE doit traiter tous les participants aux élections de manière juste et équitable, sans consentir d’avantage à une quelconque tendance politique ou à un groupement d’intérêt quel qu’il soit.
En théorie, l’OGE le plus à même d’être impartial est l’OGE indépendant composé d’« experts » neutres. D’autres OGE indépendants, par exemple ceux composés de personnes désignées par des partis politiques participants aux élections, peuvent rencontrer davantage de difficultés à se faire accepter du grand public en tant qu’organismes entièrement impartiaux. À l’exception des pays ayant une tradition de service public neutre, les décisions et les activités des OGE gouvernementaux ou mixtes peuvent être considérées par le grand public comme étant susceptibles de favoriser le gouvernement en place.
Pourtant, certains OGE, composantes gouvernementales de modèle mixte (par exemple, en Espagne), ou des OGE de modèle gouvernemental (par exemple, en Finlande et en Suède) sont généralement considérés comme impartiaux. Inversement, certains OGE fonctionnant selon le modèle indépendant peuvent être indépendants uniquement en théorie. Même si l’impartialité peut être imposée par le cadre juridique ou par la structure de l’OGE, elle doit être mise en pratique par l’OGE dans son comportement et son attitude à l’égard des parties prenantes. L’impartialité est davantage un état d’esprit qu’un principe de droit, bien que cet état d’esprit puisse être encouragé par un cadre constitutionnel et juridique permettant un examen externe efficace des décisions de l’OGE et par un code de conduite interne prévoyant de lourdes sanctions gérées en toute indépendance.
Il est important que le grand public considère les OGE comme impartiaux. La meilleure façon d’y parvenir est de s’assurer que toutes les actions de l’OGE sont transparentes et justes, et qu’elles sont rendues publiques et communiquées efficacement.
Intégrité
L’OGE est le premier garant de l’intégrité et de l’authenticité du processus électoral. Ses membres en ont la responsabilité directe. Il sera plus facile d’en assurer l’intégrité si l’OGE bénéficie d’une indépendance d’action entière et s’il exerce un plein contrôle de tous les principaux processus électoraux, y compris des budgets et du recrutement. Lorsque d’autres organismes ont des fonctions électorales, les OGE doivent être habilités à surveiller leurs activités afin de s’assurer qu’ils satisfont aux critères d’intégrité les plus stricts.
Il est important que la législation électorale et que la réglementation relative à l’OGE lui donne des pouvoirs précis lui permettant de sanctionner les agents électoraux qui menacent l’intégrité du processus électoral en favorisant certains intérêts politiques ou qui sont corrompus. Ignorer de tels problèmes peut provoquer de plus âpres débats publics sur les questions d’intégrité et de crédibilité que l’utilisation publique des pouvoirs disciplinaires. Dans la mesure du possible, il est de l’intérêt de l’OGE de veiller à ce que les manquements aux lois, règlements et codes de conduite électoraux soient sanctionnés de façon appropriée.
Transparence
La transparence de la gestion opérationnelle et financière nécessite un droit de regard du public sur les décisions de l’OGE et leur motivation. La transparence est une bonne pratique élémentaire pour toutes les activités de l’OGE. Une telle pratique peut conduire l’OGE à lutter contre ce qui est perçu comme un délit de fraude financière ou électorale, un manque de compétence ou du favoritisme envers certaines tendances politiques ainsi qu’à les identifier lorsque dévoilés. Cela peut lui permettre de renforcer sa crédibilité. Le principe de transparence électorale peut être ancré dans le droit électoral, comme l’illustre l’obligation pour l’OGE d’informer le public de ses activités (p. ex. en Indonésie). La transparence peut également être imposée par le code de conduite de l’OGE, comme le montrent les fréquentes communications et conférences de presse ainsi que les consultations menées avec les parties prenantes par l’OGE libérienne lors des élections de 2011. Même en l’absence d’un tel soutien formel, un OGE peut adopter une politique de transparence.
L’absence de transparence dans les processus électoraux conduit inévitablement à des soupçons de fraude. Lorsque, par exemple, les observateurs et le public n’ont pas accès au dépouillement des bulletins de vote et à la compilation des données ou lorsque la proclamation et la validation des résultats d’un scrutin interviennent après un retard conséquent (comme en Biélorussie ou en Ukraine en 2004 et en Éthiopie en 2005), c’est la crédibilité de l’élection qui est remise en cause.
Efficacité
Les gouvernements et le grand public s’attendent à ce que les fonds destinés à l’organisation des élections soient utilisés à bon escient et que les services soient fournis de manière efficace. Face à une utilisation croissante d’outils technologiques de plus en plus coûteux et une demande pour un supplément d’efforts dans des domaines à coûts élevés, tels que l’éducation et l’information des électeurs, les OGE doivent veiller à ce que leurs programmes satisfassent durablement l’efficacité électorale, l’intégrité et la modernité.
Pour réussir dans sa mission, l’OGE doit faire preuve d’intégrité, de compétence et d’efficacité. Ces qualités peuvent susciter une confiance du public et des partis politiques dans les processus électoraux. Le cadre juridique peut également y contribuer en définissant des normes efficaces en matière de gestion électorale et financière. Cependant, les membres d’un OGE ne connaissent pas toujours les procédures et les pratiques électorales. Dans certains cas, ils ne sont pas habitués à négocier des contrats d’approvisionnement en équipements et matériaux dans un contexte de concurrence acharnée. L’organisation du processus électoral pâtit de cette inefficacité qui peut aisément être perçue comme un comportement frauduleux ou immoral, ce qui peut sérieusement remettre en cause la crédibilité de l’OGE. Lorsque le processus politique souffre d’un déficit de confiance général, un OGE a peu de chances de se voir accorder le bénéfice du doute.
Professionnalisme
Le professionnalisme dans la gestion électorale nécessite une mise en œuvre précise des procédures électorales, qui soit axée sur le service et effectuée par un personnel possédant les compétences adéquates. Les OGE doivent s’assurer que les agents électoraux, qu’ils soient permanents ou temporaires, sont tous bien formés et disposent des compétences requises pour se conformer à de strictes normes professionnelles dans leurs tâches techniques. La formation professionnelle est propre à inspirer une confiance publique que l’ensemble du processus est « entre de bonnes mains ». Cependant, si un programme de développement continu des formations et des compétences est essentiel pour créer et faire fonctionner un organisme de gestion électorale professionnel, le professionnalisme d’un OGE dépend tout autant de l’attitude de chacun de ses membres et du personnel de son secrétariat. Afin d’assurer le professionnalisme dans la gestion électorale, il est nécessaire que chaque individu travaillant au sein d’un OGE s’engage personnellement à ce que ses actions soient conformes à l’équité, à la rigueur, à la diligence et au service et à ce qu’il en soit de même quant à son propre développement personnel.
La visibilité de ce professionnalisme au sein d’un OGE permet également aux partis politiques, à la société civile, aux électeurs, aux donateurs, aux médias et à d’autres parties prenantes de se fier à la capacité des administrateurs électoraux à entreprendre leurs tâches de manière efficace. En revanche, un manque évident de professionnalisme provoquera des soupçons d’activités injustifiables, voire frauduleuses, ainsi qu’une perte de confiance. Il serait alors plus facile pour les perdants contestant le scrutin de gagner le soutien du public, que leurs contestations soient ou non justifiées.
Sens du service
Les OGE ne sont pas seulement chargés de fournir un service aux parties prenantes, ce qui constitue leur principale raison d’être. L’élaboration et la publication de normes de service applicables à toutes leurs activités, non seulement incitent leurs membres et leur personnel à fournir un service de grande qualité, mais constituent également des critères qui permettent aux parties prenantes d’évaluer leur performance. Des normes de service élémentaires sont souvent incluses dans le cadre juridique électoral. Par exemple, au Canada, celles-ci comprennent des normes temporelles, telles que des délais applicables à la proclamation des résultats du scrutin, à la compilation des registres électoraux, à la distribution des cartes d’électeurs ou à la diffusion de l’information relative aux bureaux de vote.
D’autres normes de prestation de service importantes peuvent être adoptées par l’OGE lui-même dans le cadre des procédures qu’il applique lors de chaque processus électoral. Il peut s’agir de normes de service relatives au temps, telles que le délai moyen, maximal et minimal d’attente d’un électeur pour recevoir un bulletin de vote, le délai imparti pour répondre à une requête d’un particulier ou le temps moyen nécessaire pour recueillir les informations nécessaires à l’inscription d’un électeur sur les listes électorales. Il peut également s’agir de normes qualitatives, telles que le pourcentage d’électeurs qui n’ont pas pu voter à cause d’une erreur sur la liste électorale, la quantité de matériel de vote manquant ou n’ayant pas été livré à temps aux bureaux de vote, le nombre de bureaux de vote ayant été ouverts en retard le jour du scrutin ou encore l’authenticité et la disponibilité des résultats provisoires en temps et en heure.
Outre ces données brutes, la manière dont les parties prenantes perçoivent la prestation de service fournie par l’OGE influence considérablement le jugement du public à l’égard de l’intégrité et de l’efficacité de l’OGE. Des enquêtes régulières auprès du public ou des parties prenantes (par exemple, après les élections) peuvent fournir des informations utiles aidant les OGE à évaluer et à améliorer leurs services. Ces évaluations peuvent être menées par l’OGE lui-même ou par un organisme externe, par exemple, comme une obligation de rendre compte faite à l’OGE (telle qu’une évaluation de la performance par le pouvoir législatif).