La crédibilité et la légitimité des processus électoraux sont intrinsèquement liées à l’intégrité électorale. Dans son rapport de 2012, la Commission mondiale sur les élections, la démocratie et la sécurité a identifié cinq défis principaux à relever afin de mener des élections avec intégrité :
- construire l’État de droit pour étayer les demandes en matière de droits humains et de justice électorale ;
- mettre en place des organismes de gestion électorale (OGE) professionnels, compétents et totalement indépendants ;
- créer des institutions et des normes relatives à la concurrence entre les partis et de répartition des pouvoirs ;
- éliminer les obstacles à une participation politique universelle et équitable ;
- réglementer le financement politique.
Chacun de ces défis nécessite une riposte multidimensionnelle associant une volonté politique et un modèle institutionnel performant ainsi qu’une mobilisation, une mise en œuvre et une gestion véritablement efficaces.
Jusqu’à présent, l’organisation et l’administration d’élections démocratiques multipartites n’ont pas suscité l’intérêt du public et des médias. Pourtant, une élection ou une consultation démocratique directe (par exemple, un référendum) constitue souvent le plus grand événement qu’un pays ait à organiser. Il s’agit d’une tâche administrative très complexe qui se déroule dans une atmosphère politique chargée. Lorsqu’elle est correctement menée, elle suscite généralement peu de commentaires. Dans le cas contraire, ou lorsqu’elle est compromise, elle peut avoir des conséquences désastreuses.
La gestion de nombreuses élections est cependant passée en grande partie inaperçue, excepté auprès de ceux qui étaient directement concernés, et ce bien que les partis politiques battus aient souvent contesté la conduite du scrutin et ses résultats. La situation a commencé à changer vers le milieu des années 1980. La conduite d’élections démocratiques a commencé à être perçue et décrite comme un élément central des processus de résolution des conflits ou de transition vers la démocratie. Les élections ont été surveillées de plus près par les partis politiques, les médias ainsi que les observateurs électoraux internationaux et citoyens.
Depuis le milieu des années 1980, on observe également un engagement sans précédent en faveur des réformes électorales à travers le monde. Ce mouvement a été suscité par trois types d’acteurs : les administrations politiques et électorales qui ont réalisé que le contexte social ne pouvait évoluer qu’avec la restructuration des dispositifs électoraux, les médias et les observateurs électoraux de par leur attention critique ainsi que les organisations internationales et régionales nouvellement créées pour promouvoir la démocratie. Face à cet intérêt croissant pour les élections, les difficultés tenant au manque d’expérience et au « déficit de connaissances » en matière de savoir-faire technique dans la gestion électorale ont laissé place, dès le début des années 1990, à des difficultés liées au « manque de crédibilité » de bon nombre d’institutions électorales, le public perdant confiance dans leur intégrité et leur diligence.
L’administration électorale s’étant développée grâce à un professionnalisme accru, elle doit aujourd’hui relever des défis plus importants. Outre les tâches liées à l’application des lois électorales et à la gestion des subtilités électorales, certains OGE ont assumé des responsabilités dans des domaines hautement politiques, par exemple la supervision du financement politique, l’enregistrement et la supervision des partis politiques, le rôle et les activités des médias en période électorale, ou encore la promotion de la participation politique. En outre, l’ingéniosité de ceux qui souhaitent nuire à l’intégrité des élections implique que les administrateurs électoraux ne peuvent jamais se reposer sur leurs lauriers : pour protéger l’intégrité électorale, l’OGE peut être amenée à se dépasser sans cesse afin de conserver son avance.
Le présent manuel est conçu comme une ressource visant à soutenir directement ceux qui relèvent le défi identifié par la Commission mondiale, à savoir bâtir des OGE professionnels, compétents et totalement indépendants. Ce faisant, il peut également aider ceux qui relèvent les quatre autres défis identifiés par la Commission. Il a pour objectif de rassembler les connaissances et les compétences acquises à travers le monde sur les rôles et fonctions des OGE ainsi que sur l’organisation, le financement et la gestion de l’administration électorale. Il présente des pratiques qui ont été couronnées de succès, et d’autres qui ont échoué. Il reconnaît que différents modèles peuvent convenir à différentes situations et cherche à n’être ni normatif ni prescriptif au-delà des critères élémentaires de tout processus électoral digne de ce nom (liberté, justice, équité, intégrité, secret du vote, transparence, efficacité, pérennité, sens du service, efficience, impartialité et responsabilité).
Cette publication a pour objectif premier de fournir des informations pratiques sous une forme facilement accessible et, dans la mesure du possible, exempte de grandes théories et de tout jargon électoral ou administratif. Elle contient des informations utiles notamment pour les personnes qui doivent mettre en place des institutions chargées de la gestion des élections, pour celles qui œuvrent dans les institutions électorales nouvellement créées ainsi que pour celles qui vivent dans des démocraties émergentes. Elle présente également un large éventail d’expériences et d’informations sur les bonnes pratiques à ceux qui envisagent d’évaluer la performance et d’améliorer l’administration des OGE déjà bien établis. Elle fournit enfin des données utiles à tous ceux qui s’intéressent ou qui participent à l’administration électorale (tant au sein des gouvernements, des partis politiques, des médias ou des organisations de la société civile qu’en qualité d’observateurs intéressés par les questions politiques et électorales).