Un nombre croissant de pays intègrent des dispositions électorales fondamentales dans leur constitution, lesquelles incluent souvent le type, la composition et les responsabilités de l’OGE. Des pays comme l’Afrique du Sud, le Bangladesh, le Costa Rica, le Ghana, l’Inde, l’Indonésie et l’Uruguay ont établi leur OGE en qualité d’organisme constitutionnel. La modification du statut et des autres éléments de l’OGE déterminés par la constitution devient ainsi plus difficile. Les dispositions constitutionnelles sont en général plus figées que les simples lois. Les révisions constitutionnelles exigent, par exemple, une majorité qualifiée de l’assemblée législative. Cette stabilité constitutionnelle constitue un obstacle pour les partis au pouvoir qui souhaiteraient changer les dispositions électorales à leur avantage. Elle donne ainsi un sentiment de plus grande protection aux partis d’opposition. En effet, si ces dispositions étaient intégrées dans de simples textes réglementaires ou législatifs, elles pourraient être modifiées par une majorité de l’assemblée législative.
L’éventail et la nature des dispositions électorales qu’il est considéré comme approprié d’intégrer dans la constitution d’un pays varient en fonction de son contexte local.
- La Constitution de l’Autriche définit les critères à remplir pour devenir membre d’un OGE, les conditions du droit de vote ainsi que le rôle de la Cour constitutionnelle dans les contentieux électoraux et le système électoral.
- La Constitution du Bangladesh détermine les pouvoirs, l’indépendance et les fonctions de l’OGE, le droit de vote, les critères d’éligibilité pour être candidat et le délai maximum entre deux élections.
- La Constitution du Cameroun précise les droits des partis politiques, les critères d’éligibilité pour être candidat, les intervalles de temps auxquels les élections doivent avoir lieu ainsi que les pouvoirs de la Cour suprême et du Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral.
- La Constitution du Costa Rica établit l’indépendance, la composition et les fonctions de l’OGE. Elle comprend également des dispositions concernant le droit de vote, les droits des partis politiques (y compris leur financement public), les systèmes électoraux et les critères d’éligibilité pour être candidat.
- La Constitution de la République tchèque définit le droit de vote, le système électoral et le délai maximum entre deux élections.
- La Constitution du Ghana traite du droit de vote, de la création de l’OGE, du droit de former un parti politique ou d’y adhérer ainsi que du découpage électoral.
- La Constitution de l’Inde comporte des dispositions relatives à la création d’un OGE, au droit de vote, au registre électoral, à l’interdiction des tribunaux d’interférer dans les questions électorales ainsi qu’à l’attribution de sièges dans la Maison du peuple aux « castes » et aux « tribus » définies par la loi.
- La Constitution de Madagascar définit les droits des candidats, les systèmes électoraux applicables au Sénat et à la présidence ainsi que le rôle de la Cour constitutionnelle dans les élections et les contentieux électoraux.
- La Constitution de la Namibie définit les qualifications et les procédures applicables aux élections présidentielles.
- La Constitution du Pérou établit l’autonomie, la composition et les fonctions du Tribunal électoral national, qui supervise les processus électoraux et assure l’enregistrement des partis, la proclamation des résultats et la résolution des contentieux électoraux. Par ailleurs, la Constitution habilite le Conseil national des processus électoraux à organiser le matériel, la logistique, le financement ainsi que l’information sur le dépouillement pour tous les scrutins. Elle définit aussi les compétences de son directeur général. Enfin, elle autorise le Registre national de l’identification et de l’état civil à créer le registre électoral à partir des données du registre de l’état civil.
Des dispositions électorales ayant le même objectif peuvent être formulées de manière très différente d’une constitution à l’autre, comme le montrent les deux définitions constitutionnelles suivantes de l’« indépendance » d’un OGE :
« À l’exception des dispositions de la présente Constitution ou de toute autre loi qui n’est pas anticonstitutionnelle, la Commission électorale ne sera soumise à la direction ou au contrôle d’aucune autorité ou personne tierce dans l’accomplissement de ses fonctions» (article 46 de la Constitution du Ghana).
« Les élections générales seront organisées par une commission générale des élections nationale, permanente et indépendante » (article 22E(5) de la Constitution indonésienne).
Si la consécration des principales dispositions électorales dans la constitution inspire confiance dans le système électoral, cela peut également être source d’inconvénients si ces dispositions sont trop détaillées. En effet, le cadre juridique pourrait alors s’avérer difficile à modifier dans la pratique à cause du temps nécessaire ou de la difficulté des conditions à remplir pour réviser la constitution.
Le degré d’intégration des dispositions électorales dans la constitution dépend principalement du niveau de confiance du public dans l’administration électorale du pays. Dans de nombreuses démocraties, où l’élaboration des lois, l’administration publique et l’organisation des élections jouissent d’une grande confiance du public, la constitution ne comporte pas de dispositions sur la création de l’OGE. Il est cependant fréquent (et pas seulement dans les démocraties en cours de consolidation) que des OGE indépendants et solides s’appuient sur un cadre juridique élaboré et détaillé contenant des dispositions électorales clés ayant valeur constitutionnelle. La clarté et l’autorité de la constitution affermissent la confiance des parties prenantes dans le processus électoral.