Qu’est-ce qu’une réforme électorale ?
Le terme de réforme électorale est un terme générique qui recouvre diverses choses, dont l’amélioration de la réactivité des processus électoraux aux vœux et aux attentes du public. Tous les changements électoraux ne constituent cependant pas des réformes. Ils ne peuvent être considérés comme tels que si leur but premier est d’améliorer les processus électoraux, par exemple en promouvant le renforcement de l’impartialité, de la participation, de la transparence, de l’intégrité ou de la précision. Cependant, cette distinction n’est pas toujours claire dans les faits. Certaines modifications (par exemple, la proposition américaine visant à demander aux électeurs de produire des documents d’identité dans les bureaux de vote) peuvent être définies comme des « réformes » souhaitables, voire nécessaires, par leurs partisans, mais comme des « manipulations » inappropriées par leurs opposants. Les changements électoraux fortuits et/ou fréquents, même s’ils introduisent des réformes, peuvent dérouter les électeurs et donc aboutir à un résultat contreproductif. Les remaniements fréquents risquent également de mettre en danger la pérennité des activités d’un OGE.
Par ailleurs, de prétendues réformes électorales ont souvent eu des conséquences inattendues, à court ou à long terme, qui ont totalement ou partiellement annulé leurs avantages escomptés. Une telle situation peut survenir à cause d’une conception ou d’une mise en œuvre médiocre ou du fait que les réformes permettent aux partis ou aux candidats de manipuler le système à leur avantage.
La réforme électorale ne capte souvent l’attention du public que lorsqu’elle modifie les dispositifs de représentation, comme les systèmes électoraux par exemple, mais son champ d’action est bien plus large que cela. Il existe trois domaines distincts de réforme électorale, dans lesquels les OGE et leurs parties prenantes peuvent jouer des rôles différents :
- La réforme du cadre juridique : révision de la constitution, de la loi électorale et/ou des règles et règlements apparentés, dans le but de renforcer l’intégrité, la pertinence et l’adéquation du cadre juridique au sein duquel l’OGE dispense ses services. Il peut même s’agir d’une réforme institutionnelle de l’OGE lui-même
- La réforme desprocédures administratives : introduction au sein de l’OGE de nouvelles stratégies, structures, politiques, procédures et innovations techniques lui permettant de remplir ses responsabilités légales et de dispenser ses services de manière plus efficiente, efficace et pérenne. Il pourra s’agir d’adopter des politiques et pratiques relatives aux achats, à l’intégrité financière ou aux ressources humaines (par exemple, parité hommes-femmes dans le recrutement du personnel de l’OGE), de rendre accessible aux femmes, aux habitants des régions isolées et aux personnes souffrant d’un handicap physique des informations leur permettant de voter en toute connaissance de cause, ou bien de mettre en place de nouvelles technologies pour les services de scrutin, d’inscription des électeurs ou de logistique électorale, entre autres.
- La réforme de l’environnement politique : changements au sein de l’environnement politique dans lequel fonctionne l’OGE, comme l’octroi d’une autonomie accrue ou la création d’un cadre de financement et de responsabilité plus efficace et transparent.
Les réformes les plus spectaculaires ont lieu lorsqu’un pays précédemment non démocratique met en place des processus électoraux démocratiques (comme ce fut le cas lors de la transition de l’Indonésie vers une démocratie électorale ouverte et multipartite en 1998-1999). Dans de telles situations, les trois domaines (cadre juridique, procédures administratives et environnement politique) ont tendance à être réformés simultanément, souvent dans des délais courts, sans qu’un acteur unique dirige le processus de réforme et le considère dans sa globalité.
Depuis le milieu des années 1980, les modalités de conduite des élections ont connu d’importants changements structurels et procéduraux dans le monde, par exemple le nombre croissant d’OGE indépendants et permanents et l’utilisation croissante des nouvelles technologies pour dispenser les services électoraux. La réforme électorale a souvent fait partie d’un ensemble d’initiatives générales de démocratisation. Cependant, même dans de nombreux pays où les citoyens étaient globalement satisfaits du cadre et du style d’administration électorale en place de longue date, des réformes substantielles ont été entreprises. En Australie, par exemple, un OGE indépendant a vu le jour en 1984 et les conditions d’accès au scrutin se sont considérablement élargies. En Nouvelle-Zélande, un nouvel organisme indépendant doté de fonctions électorales a été introduit en 1993 et le pays est passé à un système électoral radicalement différent (les fonctions de l’OGE ont ensuite été consolidées et améliorées jusqu’en 2012). En 2001, des changements sont survenus en Suède visant à renforcer l’indépendance de l’administration électorale. Enfin, une commission électorale indépendante a été créée en 2010 aux Tonga.
L’internationalisation de l’administration et des cadres électoraux continue à pousser les pays à prendre des mesures de réforme électorale. L’élaboration relativement récente de principes globalement reconnus pour des élections libres, équitables et crédibles ainsi que d’obligations internationales et régionales relatives à l’administration électorale a donné naissance à des indicateurs permettant d’évaluer l’administration et les processus électoraux de chaque pays.
La généralisation croissante de l’observation des élections par des experts indépendants et par les partis politiques a conduit à la production d’évaluations bien documentées des performances électorales et des recommandations de réformes. Ce fut le cas par exemple au Nigeria après les élections de 2003 et dans de nombreuses élections observées par l’ANFREL. La société civile et les médias sont désormais mieux informés sur les droits électoraux et les obligations internationales apparentées. L’observation et l’assistance technique internationales des élections dans les démocraties émergentes peuvent aussi avoir des répercussions sur les démocraties plus matures.
Alors que les gouvernements ont amorcé de nombreuses réformes électorales, parfois en réponse à des pressions exercées par l’extérieur ou par la société, les OGE eux-mêmes en sont fréquemment un puissant élément motivateur. La responsabilité accrue des OGE à l’égard du public et l’amélioration de leur transparence, qui constituent une réforme importante en elle-même, ont exercé un effet multiplicateur sur le processus de réforme électorale. Le nombre de plus en plus important d’audits électoraux sollicités par les OGE, de même que les activités de plaidoyer réalisées par les OSC et d’autres parties prenantes au processus électoral, ont fait apparaître des outils venant appuyer les réformes électorales.