L’introduction de nouveaux systèmes informatiques dans les élections est toujours difficile et requiert une réflexion et une planification approfondies. Le vote électronique constitue certainement la mise à niveau la plus difficile car il touche au cœur de tout le processus électoral : l’expression des suffrages et le dépouillement. Le vote électronique limite l’intervention et le contrôle humains directs dans ce processus. S’il permet de résoudre certains vieux problèmes électoraux, il suscite néanmoins toute une palette de nouvelles préoccupations. Par conséquent, on peut s’attendre à ce qu’il engendre davantage de critiques et d’opposition que n’importe quelle autre application TIC électorale.
Plusieurs systèmes électroniques de vote et de dépouillement sont commercialisés pour améliorer les méthodes de vote et réduire les coûts. Certains d’entre eux se targuent d’une grande fiabilité et promettent une forte résistance à la fraude électorale.
- Les machines à voter à enregistrement électronique direct (EED) peuvent éventuellement produire une trace papier (reçu de vote imprimé vérifié par l’électeur, VVPAT) qui fournit la preuve physique des suffrages exprimés.
- Les systèmes à lecture optique font appel à des scanners capables de reconnaître le choix des électeurs sur des bulletins papier spéciaux lisibles par ces machines. Ils peuvent être centralisés (les bulletins papier sont numérisés et décomptés dans des centres de dépouillement spéciaux) ou sur site (les bulletins sont numérisés et décomptés directement dans le bureau de vote à mesure que les électeurs les introduisent dans la machine à voter).
- Similaires aux machines à voter EED, les imprimantes de bulletins électroniques produisent un document papier ou un jeton électronique lisible par la machine contenant le choix des électeurs. Ce jeton est introduit dans un scanner de bulletins séparé qui procède automatiquement au dépouillement.
- Les systèmes de vote en ligne transfèrent les suffrages par Internet à un serveur de dépouillement centralisé. Les électeurs peuvent voter soit à partir d’ordinateurs publics soit à partir de kiosques de vote dans les bureaux de vote ou, plus fréquemment, à partir de n’importe quel ordinateur connecté à Internet.
L’exactitude et l’intégrité de ces machines dépendent non seulement des entreprises et des personnes qui les conçoivent, les programment, les testent et les entretiennent, mais aussi des contrôles systématiques introduits par les OGE, notamment l’audit et la certification des systèmes.
La mise en place de mesures exhaustives de contrôle et de responsabilité a un prix. Plus les systèmes sont transparents et sécurisés, plus ils coûtent cher. Un système doté d’une transparence et d’une sécurité optimales peut alourdir les coûts dans de telles proportions que les avantages du vote électronique ne justifient plus la dépense.
Exigences, certification et contrôle des systèmes
La fiabilité et la crédibilité des systèmes de vote et de dépouillement électroniques dépendent des certifications et des contrôles plus que n’importe quelle autre technologie électorale. Ceux-ci confirment que le système respecte des exigences fonctionnelles et opérationnelles précises. Ces exigences diffèrent selon le contexte et doivent tenir compte d’aspects juridiques, techniques, opérationnels et fonctionnels ainsi que des besoins des parties prenantes clés.
La certification des systèmes permet à des tiers indépendants des OGE et des fournisseurs de confirmer que le système électronique de vote et de dépouillement est conforme aux spécifications requises. Le contrôle recourt à des essais extrêmement rigoureux avant, pendant et après l’utilisation des systèmes électroniques de vote et de dépouillement afin d’en vérifier le bon fonctionnement. Cependant, une certification et un contrôle approfondis peuvent entraîner un coût supplémentaire non négligeable, proche du coût de la technologie elle-même pour les systèmes de petite envergure.
Reçus imprimés vérifiés par les électeurs
L’adoption de reçus de vote imprimés vérifiés par les électeurs (VVPAT) répond aux préoccupations relatives à l’intégrité, la fiabilité et la sécurité des systèmes de vote électronique ainsi qu’à la nécessité de mener des contrôles transparents. Les électeurs reçoivent un reçu imprimé du suffrage qu’ils viennent d’exprimer, qu’ils peuvent contrôler immédiatement avant de le déposer dans l’urne. Ce document servira à contrôler la validité des chiffres produits par les systèmes automatisés, si nécessaire. De nombreux systèmes de vote électronique comportent des fonctionnalités de vérification, notamment les machines utilisées ces dernières années dans des pays comme la Belgique, les États-Unis et le Venezuela. En 2013, suite à la demande de la Cour suprême indienne, la Commission électorale a pris des mesures pour introduire les VVPAT après plus de vingt années d’utilisation de machines à voter électroniques qui n’en disposaient pas.
Le recours à des machines à lecture optique pour le dépouillement, comme aux Philippines, peut également garantir à la fois l’exactitude et la rapidité du processus électoral et générer un bulletin papier qui pourra être examiné physiquement si nécessaire en cas de litige après l’élection.
Les reçus imprimés vérifiés par les électeurs ne fonctionnent que pour le vote électronique en bureaux de vote (pas, par exemple, pour le vote sur Internet). La Commission de Venise a entrepris une analyse détaillée de la compatibilité du vote à distance et du vote électronique avec le corpus des normes électorales du Conseil de l’Europe.
Au-delà des problèmes de performances techniques, le débat sur l’intégrité de la technologie électorale porte en partie sur le recours à des fournisseurs alignés sur le pouvoir politique ou influencés par l’étranger. Après la mention dans les médias d’allégations de problèmes d’intégrité avec des machines à voter mécaniques et électroniques, l’exigence d’ouverture et de reddition de comptes concernant l’approvisionnement et l’emploi de la technologie se fait plus pressante sur les OGE.
Coûts
Il n’existe aucune analyse de rentabilité fiable du recours aux nouvelles technologies pour le vote et le dépouillement. Néanmoins, la réduction au fil du temps du coût du dépouillement et des élections, notamment celui de l’impression et de l’entreposage des bulletins papier, liée aux machines à voter électroniques, par exemple, demeure sujette à controverse. Après avoir utilisé des machines à voter électroniques relativement bon marché pendant plusieurs décennies, l’Inde a conclu que ce type d’élection coûte beaucoup moins cher que les bulletins papier. Les Pays-Bas ont quant à eux abandonné les anciennes machines à voter électroniques en 2007 puis réfléchi à l’introduction d’un système plus moderne. En 2013, ils ont annoncé leur conclusion : voter avec les nouvelles machines électroniques coûterait deux fois plus cher qu’avec des bulletins papier.