La section Administration électorale vise avant tout à définir l'infrastructure administrative essentielle à tout processus d'élection démocratique. La tenue d'élections ne peut pas réussir sans préparation et planification. Une élection est un événement gigantesque qui comporte de nombreuses activités majeures et secondaires nécessitant la participation d'un très grand nombre de personnes. Celles-ci doivent toutes être conscientes des tâches que leur confie le processus et des responsabilités que leur impose la loi.
Il est coûteux de préparer et de tenir des élections, mais leur absence peut l'être aussi parce que l'aide financière du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, par exemple, peut être conditionnelle à l'existence réelle d'une société démocratique ou encore parce que des protestations civiles contre un gouvernement qui n'est pas élu peuvent mettre en danger l'économie d'un pays. Pour bien équilibrer la nécessité de tenir des élections et la réalité économique, les législateurs, les administrateurs électoraux et les autres intervenants devraient viser à maintenir leurs coûts à un niveau qui soit acceptable en regard de la capacité financière du pays.
Une société n'est pas considérée démocratique du seul fait qu'elle a tenu des élections. Même s'il est vrai que l'élection de nouveaux dirigeants politiques constitue un élément majeur de tout système démocratique, ce qui indique plus sûrement qu'un pays est démocratiquement établi est l'existence de rapports interactifs en dehors des périodes électorales entre les citoyens et les différents organes et niveaux de gouvernement.
Les années 80 et 90 ont connu un développement démocratique sans précédent. En même temps, l'administration électorale s'est raffinée. On reconnaît de plus en plus que des élections réussies dépendent d'un organisme électoral disposant de ressources professionnelles et ayant à sa disposition un équipement adéquat et des fonds suffisants. À l'automne 1996, le responsable de la tenue d'élections dans la plus grande démocratie du monde, T.S. Seshan, ex-président de la Commission électorale de l'Inde, déclarait que « ... quatre éléments sont nécessaires pour réussir une élection : une loi électorale qui vise à assurer que l'élection sera libre et équitable; une commission électorale pleinement autonome et libre de toute crainte; des procédures administratives qui garantissent que le moindre individu peut exercer son droit de vote librement et sans crainte de représailles; et des électeurs qui sont pleinement conscients de leurs droits et de leurs responsabilités. »
Lors de l'élection de 1996, les 590 millions d'électeurs de l'Inde ont voté dans 825 000
bureaux de vote et aucun électeur n'a eu à parcourir plus de deux kilomètres à pied dans la plaine et pas plus de quatre kilomètres en région montagneuse. Chaque bureau de vote comptait de cinq à sept préposés, de sorte que plus de 5 millions de préposés ont été mobilisés pour une élection qui a nécessité au-delà de 20 000 tonnes de papier et qui a coûté environ 200 millions de dollars.
La nécessité de donner aux opérations électorales un caractère professionnel a conduit à la formation, aux échelons national et multinational, de groupements de gestionnaires électoraux et à l'émergence de nombreuses entreprises de formation spécialisée. L'Institut électoral fédéral du Mexique (IFE) a mis sur pied un Service électoral professionnel (SEP). Cet organisme, qui sert à encadrer la carrière des spécialistes, vise à former des employés capables de satisfaire à toutes les exigences du service électoral. Les employés du SEP doivent participer à divers programmes de formation professionnelle tout au long de leur carrière, une condition qui a largement contribué à accroître le professionnalisme de l'IFE.
D'autres entreprises professionnelles existent aux États-Unis, en Europe centrale et en Europe de l'Est, en Afrique, dans le Pacifique, en Asie et en Caraïbe. En Grande-Bretagne, les personnes désirant travailler comme gestionnaires électoraux doivent subir un examen. Dès 1994, le Collège communautaire de la Barbade à Bridgetown offrait un cours de quatre semaines menant à un certificat en administration électorale. Un à un, divers États américains ont imposé des normes à leurs gestionnaires électoraux et commencent à leur offrir des programmes de formation spécialisée. Les institutions d'aide internationale deviennent plus sensibles aux besoins en formation des organismes électoraux plutôt qu'à leurs besoins matériels.
L'objectif en gestion électorale est la mise en place du système le plus approprié aux circonstances du moment. Il existe de nombreux modèles de gestion électorale et le choix final est largement dicté par le contexte historique et culturel du pays concerné, son degré de développement technologique, sa situation financière et politique et le niveau d'éducation de sa population. La gestion électorale est maintenant reconnue comme un service comparable, sous bien des aspects, aux services des secteurs plus traditionnels. De nombreux tests de mesure de l'efficacité utilisés dans les autres secteurs s'appliquent à la gestion des élections.
Aux fins du présent ouvrage, l'administration électorale est l'organisme mandaté pour tenir l'élection et pour établir le registre électoral. Bien que ces activités soient souvent toutes deux confiées à un seul organisme ou à un seul individu, elles peuvent être exécutées par différents organismes.
Aucune structure d'organisme électoral n'est parfaite et la création d'un organisme électoral chargé des activités susmentionnées ne pourra se faire sans compromis si l'on veut qu'il réponde à une diversité d'exigences et de besoins concurrents. Parmi les tâches que l'on peut confier à un organisme électoral, on retrouve les éléments suivants :
- organiser des élections et des référendums;
- élaborer et tenir à jour le registre des électeurs;
- sensibiliser le public aux questions électorales par le biais de campagnes d'éducation civique et d'information pour le public en général et plus particulièrement en ciblant les femmes, les jeunes, les analphabètes et les minorités défavorisées;
- former le personnel électoral;
- renseigner les candidats, les partis politiques et toute autre personne concernée sur les opérations électorales;
- s'assurer que les femmes et les minorités visibles sont en mesure de participer pleinement au processus électoral;
- élaborer des règlements régissant les opérations électorales;
- faire appliquer la loi électorale;
- étudier les processus électoraux et les questions connexes;
- fournir au gouvernement, à la législature et à l'exécutif des renseignements et des conseils en matière électorale;
- participer à des projets de coopération et d'aide internationales.
Dans son ouvrage intitulé Free and Fair Elections : International Law and Practice, le professeur Guy Goodwin-Gill fait l'observation suivante :
« L'expérience et la pratique récente des États confirment qu'il est nécessaire d'assurer un contrôle du processus électoral ... et de confier à des responsables électoraux impartiaux la responsabilité de l'application ... Un mécanisme de contrôle, jouissant de la confiance des partis et de l'électorat, est particulièrement nécessaire dans les situations de transition, d'un système à parti unique au multipartisme par exemple, ou chaque fois que l'impartialité des autorités administratives est mise en doute. La garantie véritable des droits politiques et électoraux contraint les États ... à établir un système électoral approprié, à honorer les obligations que leur impose le droit international en ce qui concerne les droits individuels (et) ... à établir un mécanisme impartial ou équilibré, chargé de gérer les élections législatives. » 1
L'organisme électoral devrait mettre en pratique les principes de gestion professionnelle quelles que soient sa structure et ses fonctions. La gestion électorale entraîne des coûts pour le pays : en plus des frais courants d'un organisme permanent, le coût d'une élection dans les démocraties établies peut être de quatre à six dollars par électeur.
L'organisme électoral se doit de s'acquitter de ses responsabilités de la manière la plus professionnelle possible et de dispenser les services à l'électorat pour qu'ils soient disponibles à tous. On ne peut qualifier de pleinement démocratique une élection au cours de laquelle l'emplacement des bureaux de vote empêcherait de voter une partie de la population qui en a le droit ou lorsque des électeurs ayant une déficience ne peuvent voter à cause d'inaccessibilité des bureaux.
Dans l'introduction de son ouvrage intitulé Direito Eleitoral Positivo, Torquato Jardim, un ex-membre du Tribunal électoral du Brésil, déclarait : « Dans un pays légalement constitué démocratiquement où règne un système de libertés civiles qui dicte les activités de l'État, il existe rarement une fonction qui, si elle est accomplie incorrectement ou insuffisamment, peut blesser autant de personnes de façon aussi profonde, que celle d'administrer le processus électoral. » 2
L'administration électorale se retrouve, en période d'élection, au centre de l'attention médiatique alors qu'en dehors des élections, elle passe souvent inaperçue.
L'expérience de nombreux pays a démontré qu'il est risqué de minimiser le rôle de l'organisme électoral entre les élections. Même quand l'attention publique se relâche, les intervenants - des législateurs et partis politiques jusqu'aux groupes de citoyens et gestionnaires électoraux - doivent tous travailler de concert pour améliorer le processus électoral et s'assurer que l'organisme sera prêt à réagir lors du déclenchement de nouvelles élections. La capacité d'intervention rapide et l'amélioration continue du processus sont les deux principales raisons qui justifient la permanence de l'organisme.
La période entre les élections est également le moment idéal pour planifier et mettre en oeuvre des programmes de modernisation. Comme la gestion électorale exige le traitement d'une quantité considérable de données, l'informatisation permet parfois d'accroître l'efficacité et la fiabilité du processus. Le coût de l'informatisation doit être étudié en fonction de la situation de chaque pays. Dans les pays où la main-d'oeuvre est peu coûteuse mais où l'infrastructure requise pour soutenir un système informatisé est absente, il peut être avantageux de se passer de l'informatique.
Les fichiers à l'intérieur de la présente section ont pour but d'aider à répondre à maintes questions qui touchent les points énoncés plus haut de même que d'autres aspects de l'administration électorale. Lorsque des renseignements additionnels existent dans une autre section, des passerelles permettent d'accéder aux fichiers pertinents.