La loi électorale d'un pays démocratique devrait contenir des dispositions concernant le financement des partis politiques et des candidats. Elle devrait imposer des plafonds aux dépenses qu'ils peuvent encourir durant leur campagne et prévoir un mécanisme de contrôle des contributions qu'ils reçoivent en prévision des campagnes. Si aucun contrôle n'est exercé, les partis qui disposent des plus grandes ressources pourront se démarquer en dépensant de fortes sommes en publicité. L'absence de contrôle sur les dépenses amènera les partis à s'éloigner du principal objectif de l'élection qui est d'élaborer des programmes et de les présenter aux électeurs. Ils seront plutôt tentés d'élaborer des programmes qui les aideront à obtenir les contributions financières dont ils ont besoin.
L'organisme électoral, à qui revient normalement la responsabilité de contrôler les dépenses de campagnes, peut faire en sorte que le processus d'enregistrement des partis et éventuellement des candidats facilite ce contrôle. En général, un parti n'a à s'enregistrer qu'une seule fois, lorsque son chef présente à l'organisme électoral ou au ministère responsable les documents requis et la preuve des appuis dont il jouit. Mentionnons en passant que le processus devrait permettre aux partis d'aller en appel en cas de non-acceptation.
Une fois enregistrés, tous les partis obtiennent les mêmes droits et privilèges. Si la loi le permet, les partis peuvent avoir droit à une aide financière de l'État. Dans certains pays, les partis ne sont assujettis à aucun contrôle sur les moyens d'obtenir des contributions et, particulièrement dans les démocraties naissantes, les occasions d'obtenir des contributions financières peuvent être à peu près nulles. Afin d'établir des conditions égales pour tous, l'État peut accorder des subventions aux partis sur une base uniforme.
Dans certains pays, comme au Royaume-Uni par exemple, il n'existe pas d'enregistrement des partis politiques ni de mécanisme de subvention directe par l'État, mais il faut mentionner que, du moins dans le cas du Royaume-Uni, l'État subventionne indirectement les partis en leur accordant du temps d'antenne gratuit, la franchise postale pour tout envoi aux électeurs et l'accès gratuit à certains édifices pour tenir des réunions, et en leur fournissant des exemplaires gratuits des listes d'électeurs. Nonobstant ces subventions indirectes, les partis politiques ont besoin de contributions politiques pour leur permettre de fonctionner et c'est dans ce domaine que l'organisme électoral doit exercer un certain contrôle, particulièrement en période électorale.
Cette question a soulevé une forte controverse au Royaume-Uni à la fin de 1997. À la suite de la décision du gouvernement de ne pas accorder son appui à l'interdiction de la publicité sur le tabac en Europe, on a divulgué que le Parti travailliste avait reçu une contribution considérable d'au-delà de 1,5 million de dollars d'un promoteur des courses de Formule Un. Il est reconnu que l'industrie du tabac est fortement associée à la publicité en Formule Un, ce qui a soulevé des allégations de corruption, des questions au parlement et des critiques dans les médias. Le Parti travailliste a finalement dû rendre la contribution.
Une telle situation aurait pu être évitée si la loi électorale du pays avait prévu un système de contrôle des contributions de campagne doté d'un mécanisme de freins et contrepoids, et il est probable que le nouveau gouvernement adopte une loi régissant l'enregistrement des partis politiques et le financement des campagnes afin d'éviter qu'une telle situation se répète.
Un mécanisme de subvention d'État peut prendre diverses formes, y compris les suivantes :
- l'accès gratuit à la télédiffusion et à la radiodiffusion;
- l'utilisation gratuite de la presse par les chefs ou dirigeants des partis pour publier des annonces ou des articles;
- la franchise postale pour l'envoi de matériel publicitaire aux électeurs;
- l'utilisation gratuite de certaines facilités de l'État comme des salles de réunions et des moyens de transport;
- des subventions directes de l'État aux partis politiques.
Le fonctionnement d'un mécanisme de subventions directes ou indirectes de l'État doit être précisé clairement. Les partis pourraient tous avoir droit à des subventions égales, ou elles pourraient être déterminées en fonction du nombre de membres recrutés par chacun, du nombre d'électeurs qui ont appuyé les candidats de chaque parti ou encore, en fonction des résultats obtenus lors d'élections précédentes.
Une première élection dans un pays en voie de démocratisation offre une occasion intéressante aux individus et à des groupements politiques mineurs de prendre part au processus et des douzaines de partis voudront se partager les subventions. Dans ces circonstances, les législateurs auront la tâche délicate d'opter d'une part entre la création de conditions équitables pour tous et d'autre part de freiner les occasions possibles d'abus du système de subventions par des partis ou par des candidats qui ne jouissent pas de l'appui de la population. Au Brésil, des nouveaux partis peuvent s'inscrire provisoirement sous des conditions moins sévères que pour un enregistrement définitif, ce qui leur permet de faire connaître leur programme à la population dans l'espoir de récolter des votes et d'obtenir le soutien nécessaire à un enregistrement définitif.
Aux États-Unis, il existe une commission expressément chargée du contrôle du financement politique (voir le prochain paragraphe), alors que la loi électorale du Royaume-Uni impose des limites de dépenses aux candidats, ce qui, en théorie, établit l'égalité des chances qui doit exister dans le processus démocratique. Toutefois, il est reconnu que les candidats ne dévoilent pas tous leurs déboursés dans leurs rapports de dépenses, surtout lors d'élections complémentaires. Un rapport du Hansard Society en 1991 mentionne que « Il ne fait aucun doute que certaines pratiques comptables ont fait preuve de créativité, particulièrement lors d'élections complémentaires, mais peu d'infractions sérieuses ont été notées à l'échelle locale ou nationale ».
Les partis politiques eux-mêmes ne sont pas assujettis à des limites de dépenses au niveau national au Royaune-Uni et ils peuvent mener des campagnes massives de publicité à même les fonds disponibles à leur administration centrale, ce qui bénéficie à leurs candidats à travers le pays. Plus un parti est important, plus il est en mesure de recueillir des fonds par divers moyens. Le principe des chances égales disparaît alors, laissant les partis moins importants dans une situation d'inégalité.
La Federal Election Commission (FEC) des États-Unis est un organisme indépendant de réglementation chargé d'administrer et de faire appliquer la loi sur le financement des campagnes au niveau fédéral. Dans ce pays, il existe différents systèmes pour le financement des campagnes au niveau de la nation, des États, des comtés, des villes et des charges autres que celles du niveau fédéral. La juridiction du FEC est restreinte au niveau fédéral et touche les élections à la présidence, au sénat et à la chambre des représentants. Elle a été créée en 1974 à la suite d'irrégularités financières sérieuses et d'abus survenus durant l'élection présidentielle de 1972 et par la même occasion, la loi fut modifiée pour limiter les contributions des individus, des partis politiques et des groupes d'action politique. Le rôle de la FEC est de faire appliquer la loi sur le financement des élections et d'administrer le programme public de subventions de l'État. Les candidats américains sont tenus de divulguer toute contribution de plus de 200 $ versée par un individu (au Canada, la limite est fixée à 100 $) et il est défendu de recevoir des contributions des groupes syndicaux, des ressortissants étrangers et des fournisseurs du gouvernement fédéral.
Dans les pays où il existe un organisme électoral national, il est logique de confier à cet organisme le contrôle du financement des campagnes. Les partis politiques devraient être tenus de s'enregistrer au niveau national et les candidats, au niveau national ou régional. Un tel système permet à l'organisme électoral national de déterminer le degré de soutien que reçoit chacun des partis de même que le montant de la subvention auquel chacun aura droit. Le mécanisme de divulgation des contributions devrait être continu et des rapports devraient être publiés avant chaque élection.
L'organisme électoral national devrait également exercer le contrôle de la distribution du temps d'antenne, de l'accès aux salles de réunions publiques et des rassemblements politiques. Il est également important que les rapports annuels des vérificateurs comptables des partis politiques soient présentés à l'organisme électoral tout comme leurs rapports de dépenses à la suite d'une élection.
L'organisme électoral national devrait procéder à l'examen des rapports présentés et avoir le pouvoir de mener des enquêtes concernant les plaintes et allégations de fraude, d'abus ou d'autres irrégularités en matière de financement électoral. Attribuer cette responsabilité à l'organisme électoral permanent évite au gouvernement d'avoir à créer un organisme distinct comme la FEC, limitant également les coûts importants que pourrait occasionner le contrôle du financement des campagnes.