
Il y a peu d’intérêt à organiser des élections, qui sont des opérations onéreuses, si leurs résultats sont contestables. L’OGE doit être certain de pouvoir garantir la légitimité des processus dont il est responsable. Cela est possible si l’administration des élections est fondée sur des principes directeurs élémentaires, mais fondamentaux, soit l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, la transparence, l’efficacité et l’orientation service. Ces principes forment la base de l’administration électorale et sont essentiels pour garantir l’intégrité, à la fois apparente et réelle, du processus électoral. Ces principes ne se sont pas développés ex nihilo, mais ont émergé dans le contexte de normes électorales internationales et sont guidés par des cadres légaux nationaux ainsi que des bonnes pratiques basées sur des innovations mondiales ou propres à un pays. Les principes directeurs doivent être considérés comme le cadre éthique pour la conduite des élections et le fonctionnement des OGE. Ces principes constituent un guide pour la satisfaction des besoins de la gestion électorale.
Indépendance
L’indépendance des OGE est une des questions les plus débattues dans le domaine de la gestion électorale. Cependant, il n’y a pas de consensus clair sur la façon de définir cette indépendance. Cela est dû, en partie, au fait que le terme « indépendant » renvoie à deux concepts différents : celui d’une indépendance structurelle par rapport au gouvernement (le modèle indépendant d’OGE) et celui de l’indépendance sans crainte associée à tous les modèles d’OGE, qui doivent rester insensibles aux influences gouvernementales, politiques ou partisanes dans leurs prises de décisions. Il s’agit de deux problématiques différentes, l’une formelle et l’autre normative. Néanmoins, elles sont perçues comme étant liées parce qu’un OGE indépendant est considéré, dans beaucoup de parties du monde, comme le modèle le plus à même de garantir l’indépendance de l’OGE dans ses décisions et son action.
Il est d’une importance cruciale, pour le processus électoral d’un pays, que l’OGE soit perçu comme indépendant de tout parti et du gouvernement en place. Si l’OGE ne jouit pas de cette confiance quant à son indépendance, c’est tout le processus électoral ainsi que les résultats des élections qui peuvent être mis en cause. Pour des raisons naturelles, un OGE ne peut pas être indépendant à tous égards. Dans beaucoup de cas, le financement de l’OGE et le recrutement des membres les plus importants de son personnel relèvent du pouvoir législatif, mais il est essentiel que l’OGE soit au moins structuré de façon à être protégé des influences politiques. Dans beaucoup de cas, une culture d’indépendance ainsi que la détermination des dirigeants de l’OGE de préserver leur indépendance de décision sont plus importantes que l’indépendance structurelle officielle.
Seule la Constitution ou la loi peut assurer l’indépendance institutionnelle ou structurelle de l’OGE. La façon la plus simple de favoriser l’indépendance de décision et d’action de l’OGE est de créer un cadre légal qui garantit l’indépendance de l’OGE, comme c’est le cas pour les constitutions et les lois organiques sur les OGE de beaucoup de pays. Cela peut être possible ou non selon le modèle d’OGE, mais, dans les moments critiques, il s’avère souvent insuffisant de simplement valoriser et respecter l’indépendance d’un OGE sans que d’autres mesures soient prises pour sauvegarder cette indépendance.
Une direction forte est importante pour maintenir l’indépendance d’action d’un OGE. Par exemple, la présidence d’un OGE peut être confiée à un magistrat de haut rang. Un tel lien à la magistrature peut aider à éviter les interventions abusives de la part du gouvernement ou des partis d’opposition dans les activités des OGE. Cependant, une nomination de ce genre ne serait pas appropriée là où la magistrature n’est pas perçue comme impartiale ou exempte de corruption, ou n’est pas en nombre suffisant pour éviter des conflits d’intérêts dans les causes d’ordre électoral portées devant la justice. Par ailleurs, la nomination d’un personnage public respecté ou d’une personne connue pour sa neutralité politique peut constituer une autre façon de favoriser l’indépendance de l’OGE.
Impartialité
Chaque OGE est censé diriger les élections avec impartialité. Quels que soient le modèle de l’OGE, sa source de responsabilité, son contrôle de gestion ou son mode de financement, il doit traiter tous les participants électoraux avec équité, sans consentir un avantage à quelque tendance politique ou groupe d’intérêt que ce soit. Il n’est pas obligatoire qu’un OGE soit entièrement libre de toute attache politique. Un OGE peut en effet comprendre des représentants de plusieurs partis politiques, mais ses membres et son personnel doivent s’acquitter de leurs fonctions d’une manière politiquement neutre et impartiale. Un OGE doit être impartial, mais capable de fonctionner dans un environnement politique.
Un OGE doit faire preuve d’impartialité dans l’administration électorale, le traitement des partis et des candidats et la conduite d’élections valides. L’impartialité est aussi exigée pour le recrutement du personnel, l’affectation des fonds publics aux partis et aux candidats, la campagne électorale et le programme d’éducation électorale, si un tel programme existe.
L’impartialité d’un OGE est essentielle à la crédibilité de la gestion électorale d’un pays et donc du processus électoral ainsi que des résultats des élections. Si les participants à une élection n’ont pas la certitude que le processus s’est déroulé d’une manière impartiale, la crédibilité de l’élection sera contestée et la confiance placée dans l’OGE sera perdue. Pour établir l’intégrité et la crédibilité des processus électoraux, et une large acceptation de ses résultats, il est crucial qu’un OGE non seulement gère les scrutins de manière indépendante et sans crainte, mais se montre impartial dans ses actions. Sans impartialité de gestion et sans indépendance d’action, l’intégrité de l’élection risque d’être compromise, et il peut s’avérer difficile d’inculquer une large croyance dans la crédibilité des processus électoraux, surtout parmi les perdants. Il est aussi important que l’OGE soit perçu comme impartial par le grand public. La meilleure façon d’y parvenir est de procéder par actions transparentes, soutenues par des efforts vigoureux de marketing et de relations publiques.
Intégrité
L’OGE est le garant fondamental de l’intégrité et de la pureté du processus électoral, et les membres de l’OGE ont la responsabilité directe de ce mandat. L’intégrité peut être plus facile à maintenir si l’OGE possède à la fois une pleine indépendance d’action et le contrôle entier de tous les processus électoraux essentiels. Là où d’autres organismes ont des fonctions électorales, les OGE doivent être habilités à surveiller leurs activités de près pour garantir qu’ils satisfont aux critères d’intégrité les plus élevés.
Il est souhaitable que la législation électorale ou la réglementation relative à l’OGE permette clairement à l’OGE de sévir contre les fonctionnaires électoraux qui menacent l’intégrité électorale en favorisant certains intérêts politiques ou qui sont corrompus. Ignorer de tels problèmes peut susciter davantage de débats publics sur l’intégrité et la crédibilité que l’utilisation publique de pouvoirs disciplinaires. Dans la mesure du possible, il est de l’intérêt de l’OGE de veiller à ce que les infractions aux lois, règles et codes de conduite électoraux soient punies de sanctions appropriées.
Transparence
Si la transparence n’est pas une condition préalable à la responsabilisation, elle est au moins un principe sous-jacent de toute administration responsable et un facteur de confiance dans le processus électoral. Chaque administration électorale doit faire preuve d’ouverture à toutes les étapes du processus électoral, et la transparence dans la gestion opérationnelle et financière doit être une pratique de base dans toutes les activités d’un OGE.
La transparence aide à garantir que les gestionnaires électoraux sont tenus responsables des décisions qu’ils prennent dans le cadre de l’administration des élections, et que les dépenses électorales sont dûment comptabilisées. Les participants au processus électoral, qu’ils soient des candidats politiques ou des électeurs, doivent être capables de juger si les décisions prises par l’administration sont appropriées, et avoir le droit d’exiger des justifications pour les décisions des autorités électorales.
Un processus ouvert et transparent dans lequel les décisions et l’argumentation de l’OGE sont soumises à l’examen public facilite la compréhension du processus électoral et augmente la crédibilité de sa gestion auprès du public. Des procédures transparentes éliminent l’apparence d’irrégularités, limitent la possibilité de fraude électorale, de corruption et/ou de favoritisme au profit de tendances politiques particulières, et accroissent la confiance du public dans les autorités électorales (ce qui encouragera la participation électorale et aidera à accroître l’appui du public envers l’OGE).
Un aspect crucial de la transparence électorale est la diffusion d’informations progressives et crédibles sur les processus électoraux essentiels, tels que le progrès du décompte et de l’addition des votes, ou l’accès efficace à l’information et aux pièces pertinentes. La transparence électorale peut s’appuyer sur la législation électorale. Il peut s’agir d’une pratique prévue par le code de conduite de l’OGE ou d’une politique adoptée par un OGE.
Responsabilisation
La confiance dans l’intégrité du processus électoral exige une administration responsable de chaque étape du processus électoral. Dans une administration électorale responsable, l’OGE comme institution gouvernementale et les gestionnaires électoraux, sans qui l’élection n’aurait pas lieu, sont responsables de leurs mandants. L’organisme de gestion électorale devrait être responsable, à la fois, devant le pouvoir législatif et l’ensemble des citoyens.
Il ne sert à rien d’avoir des normes de comportement en matière de gestion électorale s’il n’y a pas de moyens de vérifier si les membres attitrés ou les fonctionnaires électoraux ont adhéré à celles-ci. L’obligation de rendre compte est vitale, car les partis, les candidats, les électeurs ordinaires et la presse doivent tous avoir une assurance raisonnable que l’OGE et le processus électoral ont obéi aux règles. Si les autorités responsables de la gestion des élections sont capables d’expliquer et de justifier leurs procédures, la fraude électorale peut être évitée.
Efficacité
Les gouvernements et le public s’attendent à ce que les fonds destinés aux élections soient utilisés à bon escient et que les services fournis soient efficaces. À une époque où les solutions technologiques deviennent de plus en plus nombreuses et coûteuses, et où les attentes augmentent dans des secteurs à coûts élevés tels que l’éducation et l’information des électeurs, les OGE doivent veiller à ce que leurs programmes servent durablement l’efficacité électorale, de même que l’intégrité et la modernité.
Un bon OGE est un OGE qui fait preuve d’intégrité, de compétence et d’efficacité. Ces qualités aident à susciter la confiance du public et des partis politiques dans les processus électoraux. Le cadre légal peut aider dans la définition de normes efficaces en matière de gestion électorale et financière. Cependant, les procédures et pratiques électorales peuvent parfois être peu familières aux membres d’un OGE. Par ailleurs, ces derniers peuvent ne pas être habitués à négocier des contrats d’approvisionnement en équipements et matériaux dans un environnement d’entreprise fortement compétitif. L’inefficacité administrative qui en résulte peut être assimilée à un comportement frauduleux ou corrompu, et miner sérieusement la crédibilité de l’OGE.
Orientation service
La gestion électorale est essentiellement une industrie de service, et les citoyens ont des attentes croissantes quant à la capacité de cette industrie à leur fournir un service de qualité. Le but essentiel des élections est de fournir une gouvernance démocratique au public, et pour y arriver l’OGE et ses administrateurs doivent s’efforcer d’assurer le meilleur service possible à chaque électeur. Les électeurs doivent avoir la possibilité de comprendre suffisamment le processus électoral, et doivent aussi pouvoir exercer leurs droits avec le moins d’inconvénients possible, peu importe les circonstances et le cadre légal. L’aide nécessaire doit être fournie aux citoyens handicapés et aux personnes ayant des besoins spéciaux pour leur permettre de voter. Dans certains cas, des moyens technologiques peuvent s’avérer utiles pour faciliter le vote.
La manière dont le public perçoit la qualité du service de l’OGE a une grande influence sur sa façon de juger l’intégrité et l’efficacité de l’OGE. Les évaluations postélectorales sont utiles pour analyser la perception des parties prenantes quant à la qualité du service fourni par l’OGE. Ces évaluations peuvent être effectuées par l’OGE lui-même, ou par un organisme externe, par exemple dans le cadre de ses obligations de rendre compte, comme lors de l’audit de la performance de l’OGE par le pouvoir législatif.
Professionnalisme
Un OGE doit reconnaître l’importance du professionnalisme et la nécessité d’avoir un personnel correctement formé et motivé. Tous les participants au processus électoral – l’électeur, le candidat, le gestionnaire de parti, les médias et les observateurs – jugent leurs propres contributions très importantes, mais en réalité les personnes clés dans le processus sont les gestionnaires électoraux, sans qui l’élection n’aurait pas lieu. Le professionnalisme est en grande partie relié au fait de considérer la gestion électorale comme une vocation. Il est essentiel que les fonctionnaires électoraux agissent avec professionnalisme. Ils doivent être bien formés et disciplinés et doivent aussi s’engager à traiter les documents électoraux avec soin et respect. S’ils n’assurent pas des élections libres et justes par manque de professionnalisme ou de compétence, les principes clés d’indépendance et d’impartialité risquent d’être mis en cause. Les inefficacités administratives peuvent compromettre la confiance du public dans l’OGE et dans l’ensemble du processus électoral. Même un OGE complètement indépendant et impartial ne peut éviter de faire l’objet de contestations si les élections sont gérées de manière non professionnelle.
Un OGE professionnel garantit que tous les candidats, partis et électeurs sont traités de façon égale et équitable, et que les ressources et installations électorales, comme les moyens techniques, sont utilisés aussi efficacement que possible. Il doit aussi correctement administrer et revoir la loi électorale ainsi que la manière dont il fournit des avis à son personnel, aux partis politiques, aux candidats et aux électeurs au sujet du processus électoral. Il doit également rechercher la meilleure façon d’informer et d’éduquer les électeurs sur le processus électoral.
Suprématie du droit
Une élection est une réussite dans la mesure où les participants au processus politique la considèrent comme une procédure légitime et obligatoire. Si les participants contestent les résultats d’une élection, le public fera de même. Pour tenir des élections légitimes, l’organisme de gestion électorale doit se conformer aux lois du pays et démontrer qu’il les respecte. S’il ne se conforme pas à la loi, ne l’applique pas équitablement et n’explique pas clairement la base légale de ses décisions, la compréhension commune des participants et du public peut en être affectée, et le soutien au processus électoral peut fléchir.
L’OGE doit garantir qu’à l’intérieur du cadre légal du pays, les lois relatives aux élections sont pleinement appliquées de façon impartiale et équitable. Il importe en outre que chaque parti, candidat, électeur ou autre participant soit traité de manière égale, équitable et juste.
Suite : Contexte de la gestion électorale