Adaptation à l'environnement
Il est extrêmement important que les opérations de vote, et le système électoral dans lequel elles s'inscrivent, soient adaptés au contexte social et politique. Les opérations sont efficaces dans la mesure où elles conviennent à l'environnement. Si on transplante dans un pays des procédures, des systèmes ou des pratiques qui fonctionnent bien dans un autre, sans analyser au préalable leur pertinence par rapport au cadre social, leur impact ou leur acceptation par la population locale, on court à l'échec. Par conséquent, les opérations de vote doivent :
- intègrer des mécanismes de contrôle suffisants pour être en mesure d'assurer les électeurs et les candidats de l'intégrité de l'élection;
- être compréhensibles pour tous les participants à l'élection;
- être adaptées aux compétences personnelles et aux outils technologiques en place.
Les facteurs liés à la géographie physique et à l'organisation sociale, notamment les réseaux de transport, le climat, l'accessibilité, les distances, la population et sa répartition, ainsi que les compétences des ressources humaines disponibles, comptent pour beaucoup dans la mise en place des méthodes appropriées.
(Pour une explication de certains aspects du contexte social et politique, voir Antécédents de la participation électorale, Droits de la personne et Participation étrangère.)
Sécurité
Le niveau de sécurité qui s'applique aux électeurs et au matériel de vote est fonction des risques en cause. On doit procéder à une analyse des risques dans le cas de chaque environnement pour définir les stratégies appropriées en matière de sécurité. Ainsi, dans plusieurs pays, les responsables des bureaux de vote et les autres membres du personnel électoral peuvent assurer eux-mêmes un niveau de sécurité suffisant, sans intervention des forces policières ou militaires. Le recours à des mesures de sécurité excessives peut en effet entraîner des dépenses exagérées et susciter l'hostilité des électeurs.
Par ailleurs, dans les sociétés où des affrontements politiques peuvent conduire à des actes de violence ou à des tentatives de manipulation du vote, des mesures de sécurité très strictes, y compris l'intervention des forces armées, doivent être mises en place. Quel que soit le contexte social, le niveau de sécurité doit être suffisant pour convaincre la population qu'il est possible de voter en toute sécurité, et que le matériel de vote est à l'abri de toute manipulation. La perception de la population à cet égard compte autant que la réalité.
Prévention des fraudes
La force des dispositions et des procédures législatives visant à prévenir la fraude électorale est tributaire du cadre politique, en particulier de la facilité avec laquelle les participants politiques ont accepté le transfert des pouvoirs dans le passé et des risques réels de manipulation des opérations de vote. Les méthodes de prévention des fraudes qu'il faut appliquer varient selon les risques et le degré de confiance prévalant dans la société en général. Il faut habituellement opter pour des mesures plus strictes, plus coûteuses et plus contraignantes pour assurer l'intégrité des élections dans les pays où vient de sévir une guerre civile. Cependant, les autorités électorales doivent, au minimum, mettre en oeuvre les mesures préventives suivantes :
- assurer l'intégrité des bulletins par différents moyens : par exemple, l'inscription d'une note, par les responsables du vote, au verso des bulletins ou l'utilisation de papiers spéciaux et de méthodes d'impression sûres;
- vérifier l'admissibilité des électeurs qui se présentent au bureau en exigeant, par exemple, une déclaration orale ou une preuve d'admissibilité ou en utilisant une encre spéciale pour les identifier;
- protéger le matériel de vote contre le vol ou la manipulation en faisant appel au personnel chargé d'assurer la sécurité de l'immeuble, aux forces policières ou aux forces armées.
Alphabétisation
Il faut tenir compte du niveau d'alphabétisation de la population dans la préparation de la documentation, des campagnes d'information et des programmes de recrutement et de formation du personnel. Lorsque les taux d'alphabétisation sont assez faibles :
- les procédures et les systèmes utilisés doivent rester le plus simple possible;
- le matériel destiné aux électeurs ne peut être présenté sous forme de texte et, en particulier, il peut être nécessaire d'utiliser des symboles ou des photographies des candidats sur les bulletins pour faciliter la tâche aux électeurs;
- les campagnes d'information de l'électorat doivent privilégier les contacts personnels et l'utilisation d'images;
- il peut être nécessaire d'assouplir les critères de recrutement pour éviter que tous les postes de préposés au vote soient comblés par l'élite intellectuelle;
- comme outils et méthodes de formation, on doit préférer aux manuels les communications orales, les exercices pratiques de simulation et la représentation graphique des tâches.
Même dans les endroits où le niveau d'alphabétisation est élevé, on doit prévoir des dispositions spéciales pour informer et aider les électeurs analphabètes.
Différences culturelles
La mise en oeuvre des opérations de vote peut s'avérer plus simple dans les sociétés homogènes, qui ont une langue et une culture communes. Par contre, dans les sociétés qui regroupent des nationalités et des cultures différentes, et en particulier différents groupes linguistiques, il peut être plus complexe de fournir un service uniforme à tous les électeurs. Les responsables de la préparation du matériel, des procédures et de la prestation des services doivent donc tenir compte des facteurs suivants :
Il faut concevoir des services et des outils d'information adaptés aux différentes communautés linguistiques. Lorsque des groupes importants de la population ont une langue maternelle différente, on doit envisager d'imprimer le matériel de vote en plusieurs langues pour favoriser la participation, à plus forte raison si différents groupes linguistiques occupent une place prépondérante dans différentes régions d'un même pays.
Il faut veiller à ce que des solutions de rechange soient accessibles aux groupes pour lesquels l'emplacement des bureaux et les heures de vote peuvent aller à l'encontre des valeurs culturelles (obligations religieuses, par exemple).
Le recrutement du personnel, en particulier pour les bureaux de vote, doit refléter la diversité culturelle locale. Les électeurs se sentiront plus à l'aise et mieux disposés si leur collectivité participe à l'administration de l'élection.
On doit tenir compte des attentes des communautés culturelles lors de la préparation des documents d'information destinés aux électeurs et de la sélection des méthodes de diffusion.
Il faut s'assurer que les procédures et les interventions des responsables des bureaux de vote et des autres membres du personnel ne sont pas contraires aux normes des groupes culturels visés, en particulier dans les régions où des communautés plus traditionnelles sont largement représentées.
Information
L'information joue un rôle primordial dans les opérations de vote. S'il n'y a pas de registres administratifs des activités électorales antérieures ou s'ils sont de mauvaise qualité, il est plus difficile de déterminer avec exactitude les services nécessaires et d'assurer leur efficacité sur le plan économique.
Attentes
Les attentes en matière de services et de ressources électorales varient d'un pays à l'autre. Les facteurs en cause sont le plus souvent le niveau de développement, le degré de confiance à l'égard des processus officiels et la mobilité des personnes. Ces attentes ont à leur tour un effet sur les éléments suivants :
- la commodité de l'horaire et de l'emplacement du bureau de vote, et des méthodes de vote possibles;
- l'intensité de la vérification de l'admissibilité des électeurs;
- la méthode de vote;
- le recours à la technologie;
- les niveaux de service offerts, et notamment le temps d'attente.
Selon les attentes des membres de la collectivité, on donnera la priorité à des aspects différents des opérations de vote, par exemple :
- l'accessibilité des bureaux et des méthodes de vote malgré le coût des ressources supplémentaires et les retards possibles dans l'annonce des résultats découlant de l'utilisation de systèmes plus complexes;
- la convivialité des procédures de vote plutôt que la rigueur des contrôles d'intégrité;
- le recours à des solutions technologiques de pointe malgré une plus grande complexité administrative et les contrôles supplémentaires nécessaires;
- le recours à du matériel et à de l'équipement simples et utilisables plutôt qu'à des outils accrocheurs et plus chers.
Après un conflit
On doit tenir compte de plusieurs facteurs lorsqu'on organise une élection à la suite d'un conflit. Il faut généralement mettre en place des mesures plus strictes pour assurer l'intégrité du vote et faire en sorte que le public ait confiance dans la transparence, la viabilité et la sécurité de tout le processus électoral.
La protection étroite des électeurs et du matériel électoral peut être indiquée : par exemple, les forces armées ou policières pourraient assurer la sécurité dans les bureaux de vote et escorter les électeurs et le matériel. Après un conflit, par ailleurs, il est fréquent que des groupes importants de la population aient une confiance limitée dans l'intégrité des militaires ou de la police. Il faut alors adopter des mesures pour assurer la transparence des activités des forces militaires et policières et veiller à ce que leurs interventions fassent l'objet d'une surveillance constante des autorités civiles et que toute infraction entraîne des mesures disciplinaires.
D'autres facteurs organisationnels peuvent être pertinents. Il se peut que le cadre juridique et administratif en vigueur après un conflit ou tout autre contexte transitoire demeure flou pendant la période électorale et doive être négocié par différents intérêts politiques. L'élaboration de plans d'urgence pour répondre à de nouvelles exigences joue dès lors un rôle essentiel dans la planification.
Il est possible aussi que la population ait subi un traumatisme et soit encore sous le choc à la suite d'un conflit. Lors de la planification des campagnes d'information de l'électorat et l'établissement des méthodes de formation du personnel, on doit tenir compte des effets possibles du stress post-traumatique sur la participation, le degré de rétention de l'information et le niveau de concentration de la population.