Traitement des plaintes
Des mécanismes efficaces et transparents pour traiter les plaintes et les contestations relatives aux opérations de vote favorisent la responsabilisation de l'organisme électoral et contribuent à rehausser l'acceptation des résultats globaux de l'élection par les intervenants politiques et le public en général.
Le maintien de normes de responsabilité et de transparence dépend du traitement de toutes les plaintes et contestations relatives aux opérations de vote dans les bureaux de vote, et non seulement de celles dont le sérieux peut soulever des doutes sur la validité des résultats globaux de l'élection. Même les plaintes en apparence vexatoires doivent être étalées au public et résolues, sinon l'intégrité des opérations de vote sera mise en doute. Des mécanismes efficaces et transparents de résolution des plaintes et des contestations contribueront non seulement à déceler et à combattre les activités frauduleuses ou les méfaits, mais aussi à assurer que toute erreur faite par les gestionnaires électoraux au cours de l'accomplissement de leurs fonctions sera décelée et corrigée.
Pour des structures légales régissant la résolution de conflit, voir Résolution des conflits et des litiges et pour des structures de gestion pour régler les conflits, voir Procédure de litiges.
Types de plaintes
Les plaintes sur les opérations d'un bureau de vote tombent généralement sous les catégories suivantes :
Mise en oeuvre de procédures convenables
Lors des séances de formation et pendant l'exercice de leurs fonctions, il importe de souligner aux gestionnaires électoraux et aux préposés au vote et au dépouillement l'importance des points suivants :
- leurs actions peuvent être contestées et ils peuvent être appelés à les justifier au cours d'une enquête sur des plaintes reliées à l'élection;
- les gestionnaires et préposés doivent respecter les procédures, se conformer aux instructions dans leurs manuels et compléter les listes de vérification fournies par l'organisme électoral;
- les incidents et les décisions qui peuvent avoir un impact sur les résultats globaux de l'élection (par exemple des troubles, le manque de matériel, les électeurs qui se voient refuser le droit de voter) doivent être consignés par écrit sur-le-champ;
- les registres des votes et du dépouillement sont des documents officiels et les autorités judiciaires peuvent les demander lorsqu'il y a contestation des résultats de l'élection ou une poursuite pour fraude ou irrégularité;
- tous les documents de vote doivent être conservés conformément aux instructions de l'organisme électoral.
Principes associés à la résolution de plaintes
La transparence du processus électoral et la confiance populaire dans ce processus seront rehaussées si :
- le responsable du bureau de vote a le pouvoir, l'habileté et la formation nécessaires pour résoudre les plaintes mineures et les conflits qui surviennent au bureau de vote;
- les électeurs, les intervenants politiques, les observateurs indépendants et les gestionnaires de l'organisme électoral peuvent tous porter des plaintes officielles relativement aux opérations de vote; ces plaintes doivent être reçues et examinées;
- il n'y a aucune restriction excessive sur le type de plaintes et de contestations qui peuvent être faites;
- les procédures pour porter plainte et contester sont simples, équitables et abordables et elles sont publicisées;
- les plaintes et contestations sont autant que possible réglées au niveau local;
- la résolution est rapide (la loi devrait prévoir le délai) et les décisions et leurs motifs sont rendus publics.
Ces principes s'appliquent autant aux plaintes locales mineures sur les opérations d'un bureau de vote qu'aux contestations sur les résultats de l'élection.
Pour plus de renseignements sur des mécanismes de résolution de conflit, voir Résolution de conflits.
Systèmes pour traiter les plaintes et les contestations
Les délais pendant une période électorale sont généralement très courts. Les systèmes qui traitent des plaintes et des contestations sur les activités de vote fonctionnent mieux s'ils sont simples, si le temps de réponse est court et qu'il n'existe qu'une seule ligne hiérarchique. Autrement, une plainte mineure peut se transformer en contestation majeure des résultats de l'élection. Si les plaintes ou appels peuvent être traités par plusieurs organismes différents, allant de l'administration des opérations de vote aux organismes judiciaires, la résolution des plaintes sera non seulement difficile mais elle accusera du retard car les intervenants touchés peuvent choisir le forum qui les favorise. En général, on devrait épuiser les mécanismes administratifs avant de recourir à un tribunal. Toutefois, dans un système où le professionnalisme ou l'indépendance de l'organisme électoral ne jouit pas de la confiance du public, le traitement des plaintes par le système judiciaire semble une option raisonnable.
Une chaîne pratique de résolution de plaintes comprendrait le traitement des plaintes et contestations comme suit :
- les plaintes relatives aux opérations d'un bureau de vote en particulier doivent être examinées par le responsable du bureau de vote après consultation avec la gestion électorale de la circonscription si nécessaire. Ce type de plaintes peut porter sur le comportement des préposés au vote ou des représentants des partis et des candidats ou les observateurs au bureau de vote, le manque de matériel électoral ou encore sur des irrégularités à l'ouverture ou la clôture du bureau;
- les plaintes reliées aux opérations d'un bureau de vote doivent être examinées par le niveau approprié de gestion de l'organisme électoral : local, régional ou national. Les plaintes de ce type peuvent porter sur l'exactitude des listes des électeurs ou l'application de procédures qui ne semblent pas conformes à la loi;
- toute plainte qui ne peut être réglée de façon satisfaisante doit être examinée immédiatement soit par le prochain niveau administratif au sein de l'organisme électoral ou par des tribunaux administratifs établis à cette fin. Les gestionnaires de la circonscription pourraient examiner les décisions prises par les responsables des bureaux de vote; les autorités électorales régionales de la circonscription pourraient examiner les décisions prises par les gestionnaires de la circonscription; les autorités électorales nationales pourraient examiner les décisions prises par les autorités régionales;
- les tribunaux ordinaires ou spéciaux examinent les décisions endossées par le niveau national de l'organisme électoral. Afin de ne pas retarder indûment les résultats globaux de l'élection par une série d'appels, la loi électorale devrait désigner une seule autorité judiciaire pour examiner les plaintes, et prévoir que ses décisions ne peuvent être contestées.
Les contestations des résultats d'élection pour des manques apparents dans les opérations de vote devraient être traitées par les autorités judiciaires. Lorsqu'une enquête à l'interne par l'organisme électoral démontre que les manques sont suffisamment sérieux pour avoir une incidence sur les résultats globaux de l'élection, il vaut mieux que l'organisme électoral lui-même conteste les résultats de l'élection. L'image professionnelle et impartiale de l'organisme ne s'en portera que mieux si ces manques sont reconnus publiquement.
Pour un exemple de procédures pour traiter les plaintes et les contestations reliées au processus de vote, voir complaints process and form - osce (bosnia).
Plaintes le jour du vote
Le jour du vote ou les jours avoisinants, les mécanismes de résolution de plaintes subiront de fortes pressions. Les administrateurs des opérations de vote locaux et aux autres niveaux devraient s'y préparer en s'assurant :
- qu'ils peuvent retenir les conseils de spécialistes techniques en matière de résolution de conflits et d'opération;
- que les responsables des organismes judiciaires et administratifs nécessaires seront disponibles et que les mécanismes sont en place pour permettre une résolution rapide des conflits.
Documentation sur les plaintes et les contestations
Toutes les plaintes et contestations reliées aux opérations de vote doivent être documentées avec exactitude par le gestionnaire qui reçoit la plainte. Autrement, les défenses contre toute contestation seront fondées sur des souvenirs vagues d'incidents qui sont survenus dans une ambiance contraignante. Le responsable du bureau de vote devrait avoir à sa disposition des formulaires standards aux fins de déposer des plaintes spécifiques ou générales, surtout si l'on s'attend à un nombre considérable de contestations sur l'admissibilité des électeurs. Le responsable du bureau de vote pourrait aussi inclure cette documentation dans son rapport sur le vote.
La documentation devrait :
- indiquer le temps et l'endroit d'origine de la plainte ou de la contestation;
- énoncer le fondement de la plainte;
- indiquer l'action qui a été prise par les responsables du bureau ou les préposés;
- être signée par le responsable du bureau de vote ou les autres surveillants;
- être signée par la personne qui dépose la plainte si possible.
Les registres sur les plaintes doivent être considérés comme des documents dont il faut rendre compte et être conservés en sécurité car ils peuvent devenir nécessaires lors de contestations aux résultats de l'élection.
Contestations judiciaires aux résultats de l'élection
Bien que certaines contestations et plaintes peuvent se résoudre avec satisfaction par des moyens administratifs avant l'annonce des résultats de l'élection par l'organisme électoral, les partis lésés non satisfaits de telles mesures peuvent contester les résultats de l'élection auprès d'une cour ou d'un tribunal électoral nommé à cette fin. Il importe que ces cours ne soient pas limitées indûment dans les directions et décisions qu'elles peuvent prendre. Leurs décisions devraient avoir les conséquences suivantes :
- la confirmation des résultats de l'élection;
- la détermination de résultats différents;
- l'annulation de l'élection et le déclenchement d'une nouvelle élection;
- l'émission d'ordonnances qui lient les intervenants électoraux, y compris les administrateurs, les candidats et les partis.
Ces cours devraient également avoir le pouvoir, relativement au dépouillement, de décider que certains bulletins d'abord inclus dans le compte en soient exclus, ou que certains bulletins d'abord exclus soient inclus et d'ordonner à l'organisme électoral de procéder à de nouveaux calculs.
Questions
Les cas qui peuvent se retrouver devant les cours tombent sous deux catégories spécifiques, notamment :
- les cas de présumés manquements à la loi criminelle ou électorale par des individus ou groupes, mais qui n'ont aucune incidence sur les résultats globaux de l'élection;
- les cas de contestation des résultats globaux de l'élection en invoquant des manquements à la loi électorale.
Dans les cas de contestation des résultats de l'élection, la loi doit prévoir spécifiquement :
- l'autorité judiciaire responsable d'entendre les contestations et les appels;
- les raisons sur lesquelles peuvent être fondées les contestations;
- les procédures de contestation;
- les procédures que doivent suivre les plaignants en matière de présentation de preuve et d'affidavits;
- qui peut initier des contestations en cour; des individus, l'organisme électoral ou faut-il présenter un ordre de la cour;
- le rôle de l'organisme électoral et autres agences en matière d'enquête, de préparation et de présentation de la preuve.
Le cadre législatif doit également énoncer très clairement les délais impartis pour loger et régler une contestation des résultats d'élection. Les contestations doivent être réglées très rapidement sinon elles peuvent perturber le système de gouvernement puisqu'elles peuvent laisser planer des doutes sur la validité de toute décision prise l'organisme représentatif contesté. Toutefois, le délai pour loger de telles contestations doit être suffisamment long pour permettre au plaignant de rassembler les preuves qui supportent sa contestation.
Les éléments d'un cadre législatif en vue d'actions légales se trouve dans Résolution des conflits et des litiges. Dans de tels cas, la loi devrait exiger que le plaignant prépare et présente la documentation formelle légale qui supporte sa contestation (ou un ordre de la cour) dans le délai prescrit après l'annonce des résultats de l'élection. Le cas devrait être entendu par cette cour ou ce tribunal. L'organisme électoral devrait également détenir le pouvoir de déposer une demande devant les autorités judiciaires appropriées pour faire annuler l'élection. L'organisme électoral doit avoir accès à plus de données sur l'élection que les individus.
Il est souhaitable que les organismes électoraux aient le pouvoir d'examiner tout le matériel d'élection pertinent, y compris les bulletins, les urnes et les scellés, les listes d'électeurs et autres documents connexes, les formulaires d'élection, les rapports du bureau de vote et les registres. Il y va de l'intérêt de la justice et de la transparence. Il est également souhaitable que les plaignants aient accès, sous protection si nécessaire, aux copies originales ou certifiées de tout le matériel conservé par l'organisme électoral.
Conservation du matériel
Tous les documents pertinents aux contestations de résultats d'élection doivent être conservés en sécurité jusqu'à ce que les délais soient expirés. Il faut s'assurer pendant le dépouillement ou les activités administratives qui suivent le dépouillement, qu'aucune marque ne soit faite sur les bulletins ou les listes d'électeurs et que l'autre matériel ne soit pas modifié ou défiguré de manière à détruire les registres originaux. Il est d'une importance fondamentale que le matériel soit conservé suffisamment en sécurité pour que l'organisme électoral soit rassuré qu'il ne peut être manipulé ou détruit.
Mieux vaut pécher par excès lorsque vient le temps de déterminer la pertinence du matériel de contestation qui doit être conservé en sécurité. Tous les bulletins, les urnes et les scellés ou cadenas, les listes des électeurs et les documents pertinents, les registres sur les bulletins et le dépouillement, les rapports du bureau de vote et des incidents tombent dans cette catégorie. Il est cependant préférable de conserver en sécurité tout le matériel qui semble pertinent que de tomber dans l'embarras parce qu'il ne peut être produit lors d'une contestation en cour à un recomptage ultérieur.
L'organisme électoral doit établir un itinéraire formel pour la destruction du matériel. Cet itinéraire doit prévoir que le matériel électoral ne soit pas détruit avant l'expiration de la période au cours de laquelle il peut être requis pour des raisons légales ou administratives. Lorsque les résultats du dépouillement sont utilisés pour remplacer les représentants qui ont démissionné ou qui sont décédés, le matériel doit être conservé en sécurité pour la durée du corps représentatif élu. (Pour des détails sur l'entreposage du matériel après l'élection, voir Entreposage après le jour du vote.)