Utilité du vote conditionnel
Le vote conditionnel peut servir à :
- désamorcer les conflits potentiels et assurer le maintien du service aux électeurs malgré les contraintes de fonctionnement du bureau de vote;
- donner l'occasion de voter aux personnes déclarant être victimes d'erreurs administratives - problème de compilation des listes d'électeurs ou annotation sur ces listes en tant que personne ayant déjà voté.
Selon les principes électoraux, il vaut mieux laisser un électeur déclarant être admissible - mais ne pouvant le prouver - voter sous une forme qui permettra ensuite de vérifier son admissibilité plutôt que de perturber le déroulement du scrutin ou risquer de refuser le vote à un électeur victime d'une erreur de compilation ou d'annotation des registres d'électeurs, ou d'une contestation non fondée.
Le vote conditionnel réduit au minimum les possibilités de conflit dans les bureaux de vote et les risques de perturbation du service aux électeurs tout en maximisant l'équité et l'accessibilité du vote. Il présente cependant les inconvénients suivants :
- une augmentation des coûts liés à l'acquisition du matériel spécial et au recrutement de personnel supplémentaire (remise des bulletins aux électeurs et établissement de la validité du vote);
- un contrôle de gestion du processus rigoureux;
- des retards dans la compilation des résultats du dépouillement, en raison de la vérification de l'admissibilité des électeurs se prévalant du vote conditionnel.
La nécessité de recourir au vote conditionnel risque d'être plus grande dans les pays qui disposent de ressources limitées sur le plan économique et sur celui des compétences en gestion. Le personnel de l'administration électorale y est souvent inexpérimenté, la compilation des registres d'électeurs est réalisée à la hâte ou fait l'objet de compressions de coûts, alors que le personnel de scrutin manque de formation. Une analyse des risques de contestation des résultats de l'élection en cas d'erreurs dans les registres d'électeurs permettra d'établir si le vote conditionnel est plus adéquat pour corriger la situation que d'autres méthodes (par exemple, la possibilité de s'inscrire le jour de l'élection - voir Liste périodique : inscription et révision le jour de l'élection et Registre continu : inscription et révision le jour du vote).
Admissibilité au vote conditionnel
Les circonstances dans lesquelles les électeurs peuvent se prévaloir du vote conditionnel doivent être clairement définies dans la loi. Elles peuvent être les suivantes :
Un électeur déclare qu'il n'a pas encore voté alors qu'il est inscrit comme ayant voté sur la liste électorale. Les préposés au scrutin peuvent commettre des erreurs lorsqu'ils annotent les listes d'électeurs, surtout lorsqu'elles contiennent un grand nombre de noms identiques.
Un électeur déclare s'être inscrit à un bureau de vote donné alors que son nom n'apparaît pas sur la liste électorale. (Ne pas confondre avec le vote des absents dans les bureaux de vote le jour de l'élection, où l'électeur demande de voter à un bureau de vote autre que celui dans lequel il est inscrit). Même dans les administrations électorales les plus expérimentées, des erreurs se produisent lors de la compilation et de la production des registres d'électeurs, et ne sont pas découvertes aux étapes de vérification interne et de révision publique. Dans les pays où le droit de vote et le découpage électoral ont subi de nombreux changements, où l'organisme électoral est peu expérimenté et où les systèmes de compilation et de production des registres d'électeurs sont nouveaux, et en particulier où des élections sont tenues pour la première fois, les listes électorales peuvent comporter un nombre important d'erreurs. Le vote conditionnel (ou l'inscription le jour de l'élection) peut alors contribuer grandement au déroulement harmonieux du scrutin.
L'admissibilité à voter d'un électeur a été contestée officiellement par les responsables du bureau de vote ou (lorsque c'est autorisé) par les représentants d'un parti ou d'un candidat, et le litige n'a pu être réglé. Dans ce cas, le directeur du bureau de vote n'est pas toujours en mesure de prendre une décision éclairée, surtout s'il ne dispose d'aucun autre renseignement quant à l'admissibilité de l'électeur. Il peut cependant autoriser l'électeur à déposer un vote conditionnel pour ensuite amorcer une enquête exhaustive conduisant à une décision finale.
Méthodes de scrutin
Le processus de vote conditionnel ne doit pas être pris à la légère. Les bulletins de vote conditionnel doivent être soumis à une vérification rigoureuse, laquelle déterminera s'ils seront comptés dans le dépouillement. Dans certains pays, les bulletins de vote conditionnel, qui sont d'une autre couleur que les bulletins de vote ordinaire, sont déposés dans les mêmes urnes et ne subissent aucun autre traitement, mais sont exclus du comptage. Cette méthode a l'avantage de calmer la colère éventuelle des électeurs le jour de l'élection, mais elle favorise peu l'intégrité du vote.
D'autres formes de vote conditionnel sont plus efficaces et équitables. Ainsi, les bulletins sous enquête sont inclus dans le comptage lorsqu'ils sont jugés admissibles. Le cadre juridique du vote conditionnel doit être défini par la loi. Les étapes suivantes permettent de mettre en oeuvre une méthode rigoureuse de vote conditionnel.
Établissement de l'admissibilité
Une fois qu'on a établi l'admissibilité de l'électeur au vote conditionnel, on peut lui proposer cette forme de vote, sous réserve des vérifications suivantes :
- lorsque le nom de l'électeur n'apparaît pas sur la liste électorale, établir avec certitude que son adresse d'inscription est dans la section de vote couverte par le bureau de vote;
- lorsque le nom de l'électeur a été coché sur la liste des personnes ayant voté et que l'électeur déclare ne pas avoir voté, vérifier tous les contrôles instaurés pour le vote - par exemple, lorsque le système prévoit l'inscription d'une marque à l'encre pour les personnes ayant voté, cette marque constitue une preuve irréfutable que l'électeur a voté et il ne pourra alors se prévaloir du vote conditionnel.
Consignation des coordonnées de l'électeur et remise du bulletin
Les coordonnées de l'électeur doivent être consignées et incluses avec son bulletin afin de permettre la vérification ultérieure de son admissibilité à voter. Ces coordonnées comprennent le nom de l'électeur et l'adresse d'inscription présumée, ainsi que des renseignements susceptibles de faciliter la vérification de l'admissibilité à voter, comme :
- la date de naissance;
- tout ancien nom ou pseudonyme utilisé;
- les détails de la confirmation d'inscription ou une carte d'électeur.
Les électeurs doivent signer une déclaration, devant témoin - préposé au scrutin ou autre électeur inscrit -, attestant que les renseignements sont exacts. Une fois la déclaration signée, l'électeur reçoit le(s) bulletin qui lui est(sont) destiné(s).
Insertion du bulletin dans une enveloppe
Après avoir marqué son bulletin, l'électeur doit l'insérer dans une enveloppe contenant sa déclaration. Il cachette ensuite l'enveloppe et la dépose dans l'urne. Les principales mesures devant être prises pour assurer le secret du vote sont les suivantes :
- l'utilisation d'un système à deux enveloppes : le bulletin de l'électeur est inséré dans une première enveloppe, elle-même placée dans une deuxième contenant les coordonnées de l'électeur. Une fois ces renseignements vérifiés, les enveloppes sont séparées et la première est placée avec les autres bulletins puis ouverte lors du dépouillement;
- l'utilisation d'une enveloppe simple à rabat ou talon détachable : les coordonnéees de l'électeur sont inscrites sur le talon - ou le rabat - qui est détaché une fois l'admissibilité de l'électeur vérifiée. L'enveloppe est ensuite placée avec les autres bulletins puis ouverte pour le dépouillement.
Vérification de l'admissibilité
À la fin du dépouillement des bulletins de vote ordinaire (dans les cas où les enveloppes des bulletins de vote conditionnel doivent être vérifiées à des fins de conciliation des documents de vote), les enveloppes des bulletins de vote conditionnel sont acheminées à l'organisme électoral. Si ce dernier possède une crédibilité bien établie, il procédera lui-même à la vérification de l'admissibilité de ces bulletins. Autrement, cette tâche sera confiée à un tribunal électoral constitué pour résoudre les conflits. Tant les représentants des partis et des candidats que les observateurs indépendants doivent pouvoir assister à la vérification.
Les critères de vérification doivent être clairement précisés dans le cadre légal, en particulier à l'égard des erreurs administratives telles que l'omission d'un électeur. En effet, un électeur peut-il être admis :
- seulement s'il y a preuve de défaillance administrative ou d'erreur de traitement d'une information ayant effectivement été fournie par un électeur?
- selon d'autres critères, par exemple si son nom est radié du registre parce qu'il n'a pas réagi à une contestation de son admissibilité ou à une autre procédure de révision d'inscription?
- lorsque les listes électorales sont permanentes et mises à jour de façon continue, s'il n'a pas transmis son changement d'adresse?
Dépouillement des bulletins de vote conditionnel
Les bulletins de vote conditionnel déposés par les électeurs réputés admissibles au vote sont ouverts et intégrés au dépouillement des bulletins de la circonscription électorale d'inscription des électeurs. (Pour en savoir plus sur le dépouillement de ces bulletins, voir Compilation des résultats.)
Mise à jour de l'inscription de l'électeur
Lorsque l'inscription des électeurs s'effectue sur une base continue, d'autres mesures peuvent aussi s'avérer nécessaires, notamment :
- les électeurs se prévalant du vote conditionnel doivent remplir un formulaire d'inscription au bureau de vote;
- les électeurs omis par erreur doivent être réinscrits ou ajoutés à la liste;
- un suivi doit être effectué auprès des électeurs dont les votes ont été déclarés inadmissibles pour les inciter à mettre à jour leur inscription.
Services fournis par le personnel de scrutin
Les directeurs des bureaux de vote doivent s'assurer que le personnel de scrutin ne refusera pas la possibilité du vote conditionnel aux électeurs admissibles. La résistance des responsables des bureaux de vote peut s'expliquer par les raisons suivantes :
- le travail supplémentaire que représente le traitement du vote conditionnel;
- le refus de reconnaître que les listes d'électeurs peuvent comporter des erreurs;
- une formation insuffisante qui n'a pas fait ressortir suffisamment le fait que le vote conditionnel est un droit de l'électeur et non un privilège dont il n'a pas nécessairement besoin d'être informé.
La formation donnée au personnel de scrutin doit préciser les droits des électeurs au vote conditionnel.